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dans les duchés et les légations, des souvenirs si vivaces. Après que de tels engagemens auront été pris, croit-on que l’on pourra en détruire la force par une politique dilatoire, en gagnant du temps, en spéculant sur les incidens que le temps amène ? Il ne faudrait pas trop se fier, suivant nous, à cette efficacité de la politique expectante. Le temps pourrait profiter à cette politique non pas révolutionnaire, mais indépendante et libérale, que l’on chercherait à lasser par le provisoire ; les populations italiennes se formeraient au self-government dans ces épreuves, et l’on aurait plus de peine encore à les conduire où elles ne veulent pas aller. Nous savons d’ailleurs que les hommes habiles qui dirigent la Toscane se sont mis en état d’attendre : leur embarras pouvait venir des finances, mais ils se sont procuré des ressources qui les mettent pour deux années à l’abri de toute inquiétude. Le dernier grand-duc avait émis un emprunt de 100 millions de lires, dont les deux tiers seulement étaient placés. Le gouvernement provisoire de Toscane a pu négocier en son nom à des banquiers considérables une partie du reliquat de cet emprunt : il s’est assuré ainsi une ressource de 16 millions. La banque a devancé la diplomatie : elle a reconnu le crédit de la Toscane. Acceptons du moins cet intelligent concours du capital comme un bon augure de l’accueil que les puissances seront bien amenées un jour à faire aux décisions que l’Italie prend en ce moment sur elle-même.

Il n’est point surprenant que, placés devant des incertitudes qu’ils espèrent vaincre par leur persévérance, les Italiens aient foi dans la justice de l’Europe et soupirent après la réunion d’un congrès. Il faudra que les grandes puissances se décident enfin à sanctionner en congrès la formation d’une haute Italie indépendante et d’une Italie centrale attachée par un lien quelconque au Piémont, si l’on ne veut pas s’exposer à voir le mouvement actuel de la péninsule aboutir à des désordres révolutionnaires et peut-être à des guerres nouvelles. L’Angleterre, qui a fini sa session et dont le gouvernement peut s’appliquer sérieusement aujourd’hui au règlement libéral de la question italienne, adhérerait sans doute à un tel congrès. Passerait-elle outre et conseillerait-elle au Piémont d’accepter l’annexion des duchés et des légations ? Nous n’oserions l’espérer, quoique les sympathies de lord John Russell, de lord Palmerston et de M. Gladstone soient évidemment pour les libéraux, qui sont à la tête de la Toscane, des duchés et des légations. On a fait grand bruit d’un conseil de cabinet réuni avant-hier par lord Palmerston, et où auraient été convoqués par le télégraphe les ministres absens de Londres. A-t-il été pris dans ce conseil, comme on le suppose, des résolutions importantes relatives à l’Italie ? Nous ne tarderons pas à l’apprendre. Nous sommes sûrs d’une chose, c’est que la question du congrès n’a pas dû être traitée dans cette délibération, car l’idée du congrès, grâce à l’opposition de l’Autriche, est loin d’avoir mûri dans les conseils de l’Europe. Puisque nous parlons de l’Autriche, n’omettons point de féliciter l’empereur François-Joseph d’avoir écarté de son ministère ses conseillers les plus impopulaires, M. de Bach, M. de Toggenburg, le comte de Grünne, et d’avoir fait des promesses dont la tolérance religieuse doit s’applaudir. Que l’Autriche s’applique sérieusement aux réformes. Ce ne sont point seulement les leçons qu’elle vient de recevoir en Italie qui l’y obligent, c’est encore le mouvement profond que les émotions de la guerre ont fait naître en