Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chrétien, vers lequel, on l’a vu, convergeaient alors bien des écoles et bien des églises venues de points de l’horizon très différens. Le socinianisme, l’unitairianisme, l’arminianisme, le latitudinarisme, Grotius, Crellius, Épiscopius, Limborch, Le Clerc, et en Angleterre, avec des nuances diverses, Chillingworth, Milton, Cudworth, Taylor, Barrow, Tillotson, Burnet, Hoadly, bien d’autres que l’église est loin d’avoir répudiés, étaient amenés par l’expérience des controverses, par cette réflexion sur soi-même à laquelle les troubles civils obligent tout esprit droit et sincère, à chercher, en dehors des complications d’un dogmatisme absolu, d’une orthodoxie exclusive, la paix et la vérité dans un christianisme réduit à l’unum necessarium des apôtres, et certes il n’est pas étonnant que Locke l’ait cru trouver dans le symbole succinct qui porte leur nom. Il fut heureux sans doute de découvrir ce moyen simple de conciliation entre les exigences de sa raison et les habitudes de son âme, entre les croyances de son enfance et les opinions de sa maturité, entre la foi de son pays et sa doctrine individuelle, et de réunir dans un même ensemble sa religion, sa morale, sa politique et sa philosophie. Assurément ce n’est pas là le moindre bonheur de son heureuse destinée.

Nous possédons maintenant sur ses opinions religieuses des renseignemens qui manquaient à ses contemporains. On peut trouver dans l’ouvrage de lord King une règle ou déclaration composée par Locke pour une société de chrétiens pacifiques, lorsqu’il était en Hollande, et toute la doctrine dogmatique qui en résulte paraît se réduire à ces deux points : « La parole de vérité est révélée dans l’Écriture, et Jésus-Christ est notre Seigneur et notre Sauveur, comme étant le grand modèle proposé à notre imitation. » Les articles erreur, clergé, résurrection, trinité, divinité de Jésus-Christ, et les réflexions si souvent citées sur les miracles qui se trouvent dans son journal (août et septembre 1681 et février 1682) n’ajouteraient presque rien de positif à ce symbole un peu bref, et sa règle fameuse de juger des miracles par la doctrine et non de la doctrine par les miracles ne rendrait pas les miracles impossibles, mais elle les rendrait inutiles. Si de là nous passons au traité général sur le christianisme raisonnable tel qu’il est exprimé dans l’Écriture, nous en apprendrons un peu davantage. Tout y paraît ramené à ce point fondamental qu’il ne faut croire que ce qui est dans l’Écriture, savoir que Jésus-Christ est le Messie, et le Messie fils de Dieu, ce qui est prouvé par les miracles, par les déclarations figurées, par les déclarations directes du Sauveur. Quant à la théorie supérieure en vertu de laquelle cette croyance peut être obtenue et légitimée, elle est consignée surtout dans les chapitres