Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

transports à roues, qui ne sauraient entrer en ligne de bataille, ou en compte 150 environ avec 700 canons. Restent les types de fantaisie dont on s’est tant occupé et que des chiffres ramèneront à leur véritable importance : ils se composent de 5 batteries flottantes avec 90 canons, et de 40 canonnières ou chaloupes canonnières avec 107 canons. Telle est notre flotte à vapeur. La flotte à voile comprend en outre 9 vaisseaux et 28 frégates, les uns susceptibles de transformation, les autres trop vieux pour être transformés et destinés à fournir leur carrière dans un service de plus en plus effacé.

Certes ce n’est point là une marine qui soit à dédaigner, et la France peut à bon droit s’en enorgueillir. Dans ses principaux élémens, ce matériel est en excellent état. Nos vaisseaux, nos frégates ne le cèdent, sous aucun rapport, aux frégates et aux vaisseaux des autres puissances maritimes ; pour l’ensemble et les détails, ils peuvent affronter tous les rapprochemens. Ce sera un honneur pour le gouvernement et un titre pour nos ingénieurs, que d’avoir su en peu de temps approprier les anciennes flottes à une nouvelle destination et de les avoir mises au niveau des nécessités présentes. Ajoutons qu’une part de ces mérites doit revenir à la prévoyance de ces gouvernemens parlementaires qui n’étaient pas si indifférens qu’on va dit aux soins de notre défense et à la gloire du drapeau. Les chambres se montrèrent constamment généreuses envers la marine, et il suffit de rappeler qu’en 1846 une loi lui alloua 135 millions de crédits extraordinaires, à répartir sur un certain nombre d’exercices. Les effets de cette loi ont survécu aux révolutions et aux changemens de régime. Ces vaisseaux qu’on a refondus, ces coques que l’on a achevées, remontent à une date où un contrôle souvent méticuleux régnait dans les dépenses publiques, et pourtant il n’y eut ni hésitations, ni chicanes de détail. Des orateurs éminens entrèrent en lice ; les partis eux-mêmes désarmèrent devant l’utilité du but et l’urgence des besoins. C’est ainsi que, sous bénéfice d’inventaire, on a pu reprendre l’œuvre commencée avec tant de libéralité.

Maintenant, en regard de cette flotte qui nous appartient, voyons celle que l’Angleterre peut mettre en ligne. Ici les documens ont un caractère complet de certitude. Il ne s’agit plus d’informations clandestines, mais d’une enquête faite au grand jour. On a souvent parlé des avantages du secret en ce qui touche aux opérations militaires : les Anglais n’ont pas de ces scrupules. Ils veulent tout savoir de leurs affaires, et il ne semble pas que jusqu’ici ils s’en soient mal trouvés. En pleine guerre, ils ont élevé des discussions publiques sur les actes et les personnes ; ils n’en ont été ni compromis, ni affaiblis. C’est un pays où personne ne compte sur le silence et où tout le monde se résigne à relever de l’opinion. Fidèle à ces vieilles habitudes, le cabinet de lord Derby alla droit au fait.