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c’est aussi parce que des caractères certains, faciles à reconnaître pour toutes les sortes commerciales, annoncent le degré convenable de la torréfaction.

D’où vient le changement considérable qui se manifeste après la torréfaction dans le goût et l’arôme du café ? La science est en mesure aujourd’hui de répondre en partie à cette question, bien qu’il reste encore plusieurs faits à éclaircir par une étude plus approfondie. Les réactions qui se produisent dans cette occasion, en partie successives et en partie simultanées, sont très complexes, et chacune des différentes substances dont le café se compose éprouve des modifications spéciales qu’il serait trop long de décrire. Du milieu des phénomènes si complexes de la torréfaction du café jusqu’au terme convenable surgit cependant une réaction particulière qui engendre ou développe le parfum caractéristique du délicieux breuvage : une opération très simple peut faire apparaître isolément ce principe dominant de l’arôme, en laissant à part les substances inertes ou douées d’une odeur désagréable qui l’accompagnent.

On distille dans un ballon en verre un litre d’une infusion préparée par filtration de l’eau chaude sur 100 grammes de café moka en poudre. La vapeur qui s’exhale du liquide, après une ébullition soutenue pendant deux heures, est dirigée successivement, à l’aide de tubes, dans quatre autres ballons semblables maintenus à des températures graduellement décroissantes : le premier, à 90 degrés, retient un décilitre d’un liquide légèrement ambré, dépourvu de l’arome agréable du café, offrant au contraire une légère odeur analogue à celle de matières animales altérées par une longue décoction. Le deuxième récipient, dont la température oscille entre 25 et 30 degrés, contient un centilitre de liquide provenant de la vapeur qui a traversé le premier récipient ; dans ce liquide, dont le volume n’est que la centième partie du volume de l’infusion primitive, réside cependant à peu près tout l’arôme du café. L’odeur en est tellement intense que quelques gouttes suffisent pour communiquer à une tasse de lait le parfum agréable du café. Les deux derniers récipiens, dans lesquels se rend le peu de vapeur échappée à la condensation, sont environnés de glace : ils ont retenu seulement quelques gouttes d’un liquide à odeur empyreumatique désagréable due à des traces de carbures d’hydrogène pyrogénés très volatils, qui peuvent même se répandre au-delà des deux réfrigérans et manifester leur présence à l’aide de réactifs spéciaux.

La torréfaction s’étant opérée dans de bonnes conditions, il reste maintenant à moudre et à infuser le grain dans des conditions également favorables. Dans l’expérience de laboratoire que nous venons de décrire, on reconnaît sans peine parmi les principes aromatiques