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LES HEROS
DE
LA GRÈCE MODERNE

III.
L’AMIRAL MIAOULIS.



I.

Vers la fin du mois d’avril 1854, je quittai à la tombée de la nuit le port de Scala di Salona[1]. Embarqué sur un petit caboteur hydriote, le Miaoulis, capitaine Leftéris, je voulais côtoyer le Péloponèse et visiter les principales îles de l’archipel grec. Le capitaine et mon guide n’avaient arrêté entre eux les conditions auxquelles le bâtiment se trouvait à mes ordres qu’à la suite d’une discussion qui n’avait pas duré moins de cinq heures, et après s’être quittés et recherchés vingt fois, en se criant l’un à l’autre d’un air de véritable fureur les choses les plus naturelles du monde en pareille circonstance. J’assistais de loin à ce curieux débat, et j’aurais pu croire à plusieurs reprises que mon guide et le pilote allaient en venir aux coups, si je n’avais su depuis longtemps que ces sortes de gens ne paraissent jamais plus disposés à s’entre-tuer qu’au moment même où ils commencent à s’entendre. Enfin, après avoir fait le geste de jeter à la mer le brave Démétrius (c’était le nom de mon guide), le capitaine Leftéris vint s’incliner devant moi en portant

  1. Situé sur le golfe de Corinthe, au fond de la baie de Crissa, à quelques heures de Delphes, et en face de Vostitza (ancien Egium).