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l’olympe nukahivien nous conduisit un jour chez les Happas d’Avao. Le koïka étendait son rectangle de constructions sur un plateau voisin des crêtes basaltiques de la montagne. Nous fûmes d’abord reçus par deux cents personnes environ, des femmes, des enfans et des vieillards. Bientôt les accens farouches de la conque marine éclatèrent, et les tribus alliées, Teïs, Happas et Taïoas, se précipitèrent dans l’enceinte en grand costume de combat ; un instant après, un hourra formidable sembla tomber du ciel. Nous levâmes les yeux, et nous vîmes les crêtes voisines envahies par de nombreux groupes d’indigènes qui s’y étaient abattus comme des aigles. Un cri d’appel retentit de nouveau, et sur le versant rapide de la montagne roulèrent comme un torrent quatre ou cinq cents insulaires dont les manteaux blancs et rouges s’ouvraient au soleil en ailes éclatantes. En même temps, aux entrées de l’enceinte se présentèrent résolues, arrogantes et fières, sans souci des gens qui les avaient conviées, les belliqueuses tribus de la partie orientale de l’Ile. Le koïka fut dès lors un véritable pandémonium où s’agitaient, parmi les rumeurs et les musiques barbares, des costumes dont l’ensemble ne laissait pas d’être fort imposant.

Tous les guerriers étaient presque uniformément vêtus. Leur coiffure se composait du tavaha, qui, plus haut que les bonnets à poil de nos grenadiers, développait au-dessus de la tête son large éventail de plumes d’un vert sombre. À la base s’arrondissait de l’une à l’autre tempe un croissant parsemé de pois écarlates, incrustés en mosaïque dans une gomme aussi tenace que la colle forte. Au-dessus de cet ornement, des barbes de vieillards disposées en une gerbe épaisse se détachaient sur le fond sombre et luisant des tavahas, et laissaient jaillir, pareilles aux pistils des fleurs, de longues aigrettes en plumes de phaéton à brins blancs et rouges. Deux grandes plaques ovales en bois blanchi à la chaux et retenues à la hauteur des oreilles encadraient le visage. Un manteau de tapa, un camail en flanelle écarlate, ajusté par un nœud sur la poitrine, où éclatait en plastron nacré la coquille d’une huître perlière, des paquets de chevelures attachés à un ceinturon retenant aussi des crânes qui, remplis de petits cailloux, s’agitaient parfois avec un bruit sinistre, complétaient cet accoutrement des grands jours. Nous ne pouvions nous lasser d’admirer la démarche aisée, les fières mines, les attitudes hardies, les mouvemens pleins de souplesse féline de cette élégante race, dont les Vaïs et les Houmis offraient surtout le type séduisant. Du reste, l’allure triomphante de ces derniers, la façon dont ils paradaient et faisaient la roue devant les beautés nukahiviennes, indiquaient assez que la modestie n’était pas leur vertu dominante.