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DE
L’ESPRIT DU TEMPS
A PROPOS DE MUSIQUE

M. MEYERBEER.



La musique, cet art pour ainsi dire né d’hier, a déjà son histoire, dont le mouvement social, politique, industriel des idées modernes provoque et décide les transformations et les vicissitudes. Il y eut jadis un temps où l’art des Bach et des Haydn se suffisait à lui-même, où nul ne se fût avisé de vouloir chercher dans une œuvre musicale autre chose que de la musique : période édénique pendant laquelle un septuor, une symphonie, un opéra même, n’étaient que petits sentiers où l’on se promenait de mélodie en mélodie, comme en un frais jardin tout parsemé, de roses vous iriez d’une fleur à l’autre, respirant les parfums, admirant l’éclat des couleurs, et ne demandant rien en surcroît de ces simples et douces sensations. Alors, quand il avait approfondi les mystères de la basse fondamentale, parcouru les labyrinthes de l’harmonie, pénétré les arcanes du double contre-point, un compositeur estimait en savoir assez et se croyait le droit d’invoquer certaines dispenses pour le reste des connaissances humaines. Lisez les lettres que le jeune Mozart écrivait d’Italie à cette époque, et vous verrez qu’il n’y est question que de chanteurs et de cantatrices : les danseuses aussi l’intéressent par momens; mais du Vatican et du Colysée pas un mot. On était alors musicien, rien de moins, rien de plus, et le maître, en com-