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nombreuses, et si l’on n’a pu encore les multiplier dans la mesure de nos besoins, cela tient surtout à la manière étroite, incomplète même, dont on avait d’abord compris les phénomènes électriques. Les nouvelles données récemment acquises sur l’électricité sont venues rectifier, élargir sur bien des points les idées qu’on en avait conçues. Il faut que l’esprit s’accoutume à cette notion agrandie et plus exacte des phénomènes électriques, qu’il s’enhardisse en quelque sorte à les considérer sous ce nouvel aspect, à en tirer des forces nouvelles et de plus en plus variées. Ce sera l’œuvre du temps. En attendant, au milieu même des efforts, des recherches qui se succèdent chaque jour, il est utile peut-être de fixer, pour le public peu familiarisé avec les dernières expériences, l’état présent de la science sur ce point, où en est la théorie, où en est la pratique de l’électricité, et ce qu’on peut en attendre encore.


I.

Aux yeux des physiciens qui en constatèrent les premiers l’action, l’électricité était un fluide subtil et impondérable, capable de pénétrer plus ou moins les corps, suivant leur faculté conductrice. Ce fluide se présentait sous deux formes opposées, dues soit à deux natures d’électricité fondamentalement distinctes, soit à un excès ou à une diminution d’électricité naturelle. La théorie des électricités positive et négative a défrayé la physique jusque dans ces derniers temps; mais à mesure que le cercle de l’observation s’est agrandi, à mesure qu’on a constaté la présence de l’action électrique dans un plus grand nombre de phénomènes, on s’est convaincu que l’électricité n’est qu’une action moléculaire commune à tous les corps, et dont les effets sont à la fois plus simples et plus multiples qu’on ne l’avait imaginé. Ces effets se sont alors présentés comme la conséquence d’un fait général : l’ébranlement dont tout corps est susceptible, et d’où résulte un dérangement dans l’équilibre de ses molécules. Suivant la conductibilité et la constitution physique des corps ébranlés, l’électricité se manifeste plus ou moins facilement. A l’état naturel, chacune des particules d’un corps est susceptible d’acquérir l’une ou l’autre forme d’électricité, et si l’on voit des corps n’exercer aucune action sur ceux qui les environnent, c’est qu’à la même distance le pouvoir attractif des uns est égal au pouvoir répulsif des autres, comme on l’a directement démontré par des expériences fort simples.

La production d’électricité tient donc à l’état nouveau dans lequel se constituent les molécules du corps dit électrisé; il s’établit entre elles une sorte d’antagonisme, ou, pour parler le langage de la