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rité, que la masse aujourd’hui disséminée des croyans se réorganise comme société en commençant dans la congrégation son travail de cohésion. Tout d’abord le culte doit de nouveau servir à mettre les membres du même groupe en rapport intime les uns avec les autres, à donner part à tous dans la vie de chacun en rattachant les événemens et les devoirs domestiques aux prières publiques de la communauté. Ainsi, à l’égard du baptême des enfans, M. Bunsen se prononce contre l’usage qui en fait comme une cérémonie clandestine. Il souhaiterait que chaque année quatre dimanches fussent réservés pour un service baptismal. Ces jours-là, et rien que ces jours-là, tous les enfans nés depuis le dernier service seraient solennellement présentés à l’église, et leur réception, ainsi que l’engagement pris par les parens de leur donner une éducation chrétienne, formerait le fond de l’office, auquel la congrégation entière serait appelée à se joindre. En dehors du culte spirituel, qui associe les fidèles par un même vœu d’amour envers Dieu et d’amour pour les hommes, M. Bunsen réclame également l’association pour tout ce qui rentre dans le culte pratique, c’est-à-dire dans l’accomplissement de ce vœu. Il regarde comme un des grands événemens de notre temps l’établissement des diaconats de femmes et des missions intérieures, qui ont déjà ouvert la voie vers une nouvelle ère où l’assistance des pauvres, le soulagement des malades et toutes les autres formes de la bienfaisance seront littéralement des fonctions de la vie congrégationiste. Les synodes de l’église unie d’Allemagne, avec le rôle qu’y joue l’élément laïque, lui semblent encore une innovation de la plus haute portée, en ce sens surtout qu’ils préparent une réforme plus large qui rendra aux congrégations l’administration de leurs propres affaires, et qui transformera ainsi le troupeau passif du prêtre en une corporation pensante et responsable, sans cesse occupée de ses intérêts religieux.

Ici encore, pour organiser comme pour raviver, c’est en la liberté que M. Bunsen met toute sa confiance. Autant que les anciens puritains, il entend que l’église soit réellement une communauté de saints, et que nul n’y entre ou n’y demeure s’il n’est dévoué au pacte de la société, et s’il n’y conforme sa conduite. Toutefois la question de la discipline, remarque-t-il, a été rendue insoluble par le développement du pouvoir clérical. Si, comme les puritains, on prétend obliger tous les fidèles à la sainteté en donnant aux ministres le droit de surveiller, d’admonester et d’excommunier, on tombe dans un régime d’inquisition qui pousse à l’hypocrisie, et qui exclut la faiblesse repentante, en même temps qu’il se rend insupportable par sa tyrannie. Si en raison de ces dangers de la sévérité on relâche la discipline, on affaiblit chez tous la voix de la conscience; à la place d’un système impraticable, on a un système