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l’empereur continua d’être considéré par les Italiens, et par les plus éclairés, comme leur souverain naturel, comme le chef prédestiné à rendre à l’Italie, centre de l’empire, sa grandeur disparue. Ce droit, dont l’origine se perdait dans la nuit des temps, que la fausse politique des papes avait rétabli, et que leur intérêt les portait à contester jusqu’au jour où ils le rétabliraient encore, l’Italie s’y rattachait comme à son seul appui et à son seul recours. Hélas ! cet empereur allemand, objet de tant d’espérances, ne voulait ou ne pouvait rien faire pour l’Italie, qui s’obstinait à se donner à lui ! C’est même un fait singulier que la doctrine du droit impérial se trouve d’autant plus nettement formulée que l’empire se montre plus incapable de l’exercer. Les expéditions de Henri de Luxembourg, de Charles IV, de Frédéric III, coïncident avec les appels éloquens de Dante, de Pétrarque, d’Ænéas Sylvius. À chaque fois le dogme de la monarchie impériale est affirmé avec plus de hauteur ; à chaque fois aussi le monarque descend un degré de plus dans la voie de la faiblesse, de la cupidité et de l’égoïsme. Quand la toute-puissance lui est offerte, il se contente d’un peu d’or. Le successeur des césars n’est plus qu’un marchand qui vend à beaux deniers comptans les privilèges inaliénables de l’empire. Nous ne saurions trop le répéter : l’Italie a pris au rebours le mouvement politique qui entraînait et constituait les états modernes. Durant le moyen âge, elle n’est considérée que comme le fragment d’un tout qui est en dehors d’elle, et ce tout lui-même est une pure chimère. Elle reste l’annexe d’un fantôme d’empire romain, elle peut dire comme la Gaule au temps de Sidoine Apollinaire :

…... Portavimus umbram
Imperii …………


Et quand cet empire, après Charles-Quint, se scinde en deux parts avec les deux branches de la maison d’Autriche, c’est encore en vertu de la transmission du droit impérial que la domination espagnole va s’établir dans la péninsule.


III.

Nous avons montré comment l’intérêt temporel de la papauté, se joignant à un sentiment exagéré de la grandeur italienne, mit obstacle dès le principe à l’organisation séparée de l’Italie, puis à son unité nationale, comment aussi l’Italie, trouvant l’occasion de s’émanciper sous des princes italiens, continua de demander son salut à un protectorat étranger. Nous voici parvenus à la seconde moitié du XVe siècle. Frédéric III est le dernier empereur qui se fasse couronner à Rome ; ses successeurs renoncent à cette vaine cérémo-