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jamais y entrer, sous quelque prétexte que ce puisse être, une des principales conditions de ce traité devant être un commun accord de ne jamais permettre qu’aucun état d’Italie puisse être possédé en aucun temps à l’avenir par les princes possédant la couronne impériale ou celle de France ou d’Espagne, ou quelque autre état situé hors de l’Italie... En conséquence, les états de Naples, ceux de l’infant don Philippe, et de même le duché de Toscane, qui ne pourront jamais être réunis entre eux, ne pourront non plus être réunis à la couronne de France ou à celle d’Espagne, ni à la couronne impériale[1]. » Les instructions de Louis XV au comte de Maillebois, son ambassadeur à Turin, rédigées aussi par d’Argenson, sont encore plus explicites. « La considération et les états du roi de Sardaigne augmentés en Italie, le degré de représentation auquel il parviendra en Europe, et que ses prédécesseurs n’ont jamais eu, l’intérêt que les autres puissances auront à ménager son alliance et à rechercher son amitié, l’Italie délivrée du joug allemand et du despotisme autrichien, et son repos et sa sûreté solidement établis sur un partage convenable et sur un système de politique simple, uniforme et constant, la fidélité du roi aux engagemens qu’il est disposé à contracter pour maintenir ce système, sont autant de motifs dont le comte de Maillebois pourra faire usage, afin d’exciter l’empressement et le zèle du roi de Sardaigne[2]. » Ainsi ces négociations de 1746 avaient un double objet : détruire la prépondérance que les traités d’Utrecht et de Bade avaient rendue à la maison d’Autriche en Italie, établir l’équilibre italien, ce qui revient à dire l’indépendance italienne, car c’est au fond la même chose. La paix d’Aix-la-Chapelle ne réalisa pas, il est vrai, toutes les intentions de la France. Le Milanais resta à l’empire, la Toscane fut attribuée à la maison d’Autriche; la ligue entre princes exclusivement italiens n’eut pas lieu. Il en résulta néanmoins un certain équilibre de forces: entre la Toscane et le Milanais autrichien, il y avait à Parme les Bourbons d’Espagne; entre le Milanais et les états héréditaires de l’Autriche, il y avait Venise et ses provinces. On voit de quelle importance étaient déjà pour le gouvernement de Louis XV la suppression de l’influence autrichienne dans les affaires de la péninsule et l’établissement d’une confédération italienne. Les vieux principes du droit impérial appliqués par l’Autriche en Italie seront toujours contraires à l’intérêt français. La neutralité de l’Italie importe beaucoup à la France, et cette neutralité, l’indépendance seule peut la garantir.

A la fin du siècle dernier, l’Italie fut tirée de sa longue léthargie par un violent soubresaut, contre-coup de la révolution française;

  1. Projet de préliminaires porté à Turin par M. de Champeaux, janvier 1746.
  2. Instructions datées de Versailles le 19 février 1746.