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tant de la prohibition que du libre-échange, se trouva en définitive à peu près conforme à l’intérêt général : suffisamment protecteur pour les états manufacturiers qui virent s’accroître leur production, il fut en même temps assez libéral pour les états agricoles, qui avaient besoin d’échanges avec l’étranger pour l’écoulement de leurs récoltes. Enfin le développement de ces échanges procura aux gouvernemens associés, à l’exception de la Prusse, un revenu douanier plus important : de 12 millions de francs en 1834, la recette nette à répartir s’éleva en 1841 à près de 20 millions, ce qui permit aux divers états, soit d’entreprendre de grands travaux d’utilité publique, canaux, chemins de fer, etc., soit de réduire les impôts directs. Tels furent au point de vue économique les résultats obtenus pendant la première période du Zollverein ; ils dépassaient les espérances qu’on avait conçues; ils étonnaient l’Europe, qui, à l’origine, n’avait prêté qu’une attention médiocre à cette nouveauté d’outre-Rhin, et qui voyait ainsi grandir une puissance industrielle et commerciale avec laquelle il faudrait désormais compter. Dans ces conditions, le renouvellement des traités qui constituaient l’association douanière ne pouvait être un seul instant douteux : il fut consacré par le traité du 8 mai 1841. Vers la fin de cette même année, le duché de Brunswick, se séparant du Steuerverein, et plusieurs principautés d’ordre secondaire accédèrent à l’association, qui entra ainsi en 1842c dans sa seconde période avec un territoire de 8,224 milles carrés et une population de 27,230,000 âmes.

A mesure qu’une œuvre grandit, les difficultés s’élèvent autour d’elle. Quand il s’agit d’une œuvre commerciale et industrielle, les besoins de développement se révèlent à chaque instant, un progrès en appelle un autre, les esprits s’irritent des obstacles et courent au-devant des crises. Lorsque cette entreprise se complique d’intérêts politiques, les jalousies internationales surviennent, les passions s’enveniment, et l’on ne tarde pas à se heurter dans les conflits. Le Zollverein, institution commerciale et politique tout à la fois, ne pouvait échapper, un jour ou l’autre, à ces fâcheuses conséquences. Dès 1842, un commencement de discorde pénétra dans son sein à l’occasion de négociations entamées entre la Prusse et le Hanovre pour l’accession du Steuerverein à l’association douanière. Ces négociations, dont la réussite eût été très précieuse pour le Zollverein en lui procurant une certaine étendue de littoral sur la Mer du Nord, échouèrent brusquement et donnèrent lieu à des récriminations réciproques qui occupèrent longtemps les cabinets et l’opinion publique. A la même époque se produisirent entre les membres de l’association les premiers débats sérieux sur les questions de tarif. Les manufacturiers, qui, avec les droits modérés du tarif prussien,