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qués, établir des taxes différentielles sur les marchandises importées sous pavillon étranger, afin de favoriser le développement d’une marine nationale, ainsi que 1rs relations directes avec les contrées lointaines, notamment avec l’Amérique, où l’industrie du Zollverein trouvait déjà des débouchés considérables, telles étaient les prétentions des manufacturiers allemands. Ces prétentions ne sauraient paraître excessives, si nous les comparons avec celles de nos prohibitionistes. Elles ne pouvaient d’ailleurs aller plus loin en présence de l’altitude de la Prusse, qui défendait son ancien tarif, et grâce à la constitution même du Zollverein, où l’unanimité des associés était nécessaire pour l’adoption d’une mesure de douane. Aussi toute cette agitation n’eut-elle pour résultat que l’élévation des droits sur les fils et tissus, sur la fonte brute et les fers, sur les papiers de luxe et sur quelques autres articles moins importans, résultat contre lequel s’élevèrent très vivement les écrivains de l’école libérale, mais qui laissait après tout dans les limites d’une protection assez modérée la législation commerciale du Zollverein.

Telle était la situation des choses lorsque survinrent les événemens de 1848. Le parlement populaire qui remplaça momentanément à Francfort la vieille diète germanique ne tarda pas à voir se produire dans son sein divers plans d’unité commerciale destinés à réaliser complètement cette fois la promesse inscrite dans l’article 19 du pacte fédéral de 1815. Ces plans, du reste, figuraient en première ligne dans le programme des publicistes qui nourrissaient depuis longtemps le rêve de la patrie allemande, et qui, siégeant pour la plupart à Francfort, pouvaient se croire à la veille du succès. La lutte entre le libre-échange et la protection se renouvela à cette occasion; le parlement de Francfort fut partagé en deux camps à peu près égaux, d’où sortirent des propositions contradictoires quant au régime économique qu’il convenait d’appliquer à l’Allemagne unie et régénérée. On nomma un comité pour concilier autant que possible les deux systèmes en examinant un projet présenté par M. Duckwitz, député de Brême ; on ouvrit dans tous les états une vaste enquête pour recueillir les vœux des populations, et, malgré les divergences d’opinions qui se manifestaient entre la région du nord et celle du midi, on espérait constituer l’unité commerciale, lorsque l’unité politique de l’Allemagne aurait été définitivement proclamée. La dissolution du parlement de Francfort rejeta dans le néant tous ces beaux projets. L’image un moment entrevue de la patrie allemande s’évanouit, les illusions généreuses se dissipèrent; la diète, que l’on croyait morte à jamais, ressuscita en 1851 sur les ruines de la révolution; en Allemagne ainsi qu’en France, toutes les traces de 1848 furent effacées par la main des gouverne-