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développement moral de celui qui l’examine. Cette persuasion a, si j’ose m’exprimer ainsi, ses hauts et ses bas dans l’existence actuelle, et dépend le plus souvent de la disposition du cœur. L’entraînement fatal qui a souvent conduit de nobles âmes à la nier provient de ce qu’elles ont demandé au raisonnement des certitudes qu’il ne peut pas donner. Voilà pourquoi le véritable révélateur est le génie religieux et moral. Chacun de nous est doué dans sa conscience d’un organe que l’on pourrait comparer au télescope avec lequel nos regards plongent dans l’immensité des cieux. Combien peu savent mettre l’instrument au point, et ne voient que brouillards là où de plus forts contemplent le ciel étincelant ! Il est un heureux mot dans la préface de M. Renan : il parle de vérités « qui n’ont leur prix que quand elles sont le fruit d’un cœur pur. » Mais aussi il en résulte que nous pouvons, que nous devons même emprunter les yeux de ceux dont la vue est plus perçante que la nôtre, parce que leur œil intérieur est plus sain, pour profiter de ce qu’ils voient dans ces régions mystérieuses où nous n’apercevons que des formes indécises. Rappelons-nous le beau tableau d’Ary Scheffer sur Dante et Béatrix. Il symbolise admirablement l’idée vraie de la révélation. Illuminé par les rayons émanant de l’idéal, Dante contemple Béatrix, qui voit Dieu.

On a élevé diverses objections contre la croyance à l’immortalité de l’âme. Ne nous embarrassons pas des présomptueuses négations du matérialisme. Incapable d’expliquer réellement la vie organique et même, si l’on y réfléchit, le moindre changement chimique, de quel droit dicterait-il des lois à la vie spirituelle ? Il est un ordre d’objections plus respectables. Il est, par exemple, un point de vue stoïque, auquel on ne saurait refuser une grandeur réelle, qui prétend que l’homme doit faire son devoir, quoi qu’il arrive, sans se préoccuper de l’avenir, pour apporter son grain de sable à l’édifice du bien universel : ouvrier intelligent et moral, mais qui n’a pas plus de droit à durer, une fois sa tâche remplie, que le polype qui a contribué à former un continent. De quel droit l’homme va-t-il anticiper sur les desseins de la puissance créatrice, parce que, selon sa faible intelligence, les choses d’ici-bas ne lui conviennent pas et qu’il désirerait un monde meilleur ? N’est-ce pas prendre pour une réalité l’objet incertain de vœux purement égoïstes ? — Cela signifie seulement qu’il peut y avoir une manière grossière de saisir l’espérance de l’immortalité, comme il y a des manières grossières de comprendre la vie présente. Plus d’une fois, je l’avoue, les argumens mis en avant pour étayer cette espérance ont été entachés de défauts graves ; mais la preuve que l’égoïsme n’est pas la racine dernière de cette espérance, c’est que chacun