Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

scruter l’empreinte de leurs pas et à recueillir jusqu’à leurs excrémens. Cependant cette histoire des changemens qui se sont opérés dans l’habitat des espèces animales, des révolutions par lesquelles a passé la carte zoologique, des conquêtes de certaines espèces et du démembrement de l’empire de certaines autres, se rattache aux questions fondamentales de l’histoire du globe, aux phénomènes les plus intéressans de la géologie. Quoique l’on n’ait, pour découvrir les migrations anciennes des différentes classes d’êtres organisés, que des élémens incomplets et dispersés, il est toutefois possible, par l’étude des fossiles et une comparaison attentive entre l’ordre présent et les ordres passés, de tracer les linéamens généraux de ce qu’on appelle la géographie des animaux. En suivant les changemens qui se sont opérés à différentes époques dans la distribution des espèces animales, on arrive à saisir quelques-unes des lois qui président à la répartition des êtres. L’étude de l’état présent est naturellement la plus facile et la plus complète. Depuis trente ans environ, les faunes locales ont été décrites avec tant de soin, qu’il est aisé de tracer la carte des régions fréquentées par chacune des espèces connues. Quant à déterminer la distribution des espèces aux âges qui ont précédé la période actuelle, c’est une œuvre nécessairement subordonnée aux progrès de la paléontologie. On possède cependant certaines données importantes qui serviront de jalons dans la voie à parcourir, et d’où l’on peut dès aujourd’hui tirer des conséquences du plus grand intérêt. Nous allons donc essayer de faire connaître séparément les résultats principaux de la géographie zoologique et ceux de la paléontologie, envisagée au point de vue de la répartition des espèces détruites ou déplacées, et le rapprochement de ces résultats respectifs nous montrera ce que la science connaît jusqu’à présent de l’histoire des migrations.


I

Les animaux ne sont pas répandus au hasard sur le globe ; la présence de chaque espèce dans un endroit déterminé dépend d’un ensemble de conditions intimement liées à l’organisation et au genre de vie de l’animal. Tous les êtres sont dans une dépendance marquée de la nature au sein de laquelle ils prennent naissance et se développent, et cette dépendance est d’autant plus grande que l’animal a des besoins plus nombreux à satisfaire, que son organisme est plus susceptible d’être influencé par le milieu ambiant. De là une répartition très inégale des espèces ; celles qui trouvent aisément les conditions suffisantes à leur conservation sont beaucoup plus répandues que les animaux dont l’habitat et l’alimentation exigent des conditions