Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spéciales. On ne doit donc pas s’étonner si, en traçant sur la carte les lignes qui servent de frontières au domaine de chaque espèce, on observe d’énormes inégalités et d’apparentes anomalies. Tandis que certains animaux sont répandus sur le tiers ou la moitié du globe, il en est d’autres qui demeurent confinés sur une superficie qui n’excède pas trois ou quatre mille lieues carrées. Toutefois ces empires assignés à chaque espèce ou à chaque genre n’ont pas une circonscription aussi nettement tracée que nos états européens. L’animal est de sa nature un être errant ; il est d’autant plus nomade que la contrée où il cherche sa nourriture s’épuise plus vite. Il parcourt parfois de vastes espaces, et s’il est doué d’une grande puissance de locomotion, il pousse souvent des reconnaissances au-delà de ses frontières naturelles. Il vit comme les peuples nomades, cherchant sans cesse un nouvel abri, revenant à celui qui convient à ses habitudes, se déplaçant suivant les saisons et se laissant entraîner à la poursuite des êtres dont il fait sa nourriture. De là des migrations qui prennent chez certaines espèces le caractère de voyages périodiques et lointains, car les soins de la reproduction conduisent les animaux, et surtout les oiseaux et les poissons, dans les régions les plus favorables à la ponte et à l’éclosion de leurs œufs. Ce sont ces déplacemens à grande distance qui ont plus particulièrement reçu le nom de migrations, et que tout le monde a observés chez les hirondelles, les canards sauvages, les maquereaux et les harengs. En réalité, presque tous les animaux, et plus particulièrement les oiseaux et les poissons, émigrent suivant les saisons, soit en troupe, soit isolément. Tandis que le plus grand nombre va chercher à des distances variables une nourriture qui lui fait défaut dans le canton qu’il abandonne et un emplacement convenable pour l’éducation de sa progéniture, quelques individus demeurent sédentaires, et n’ont pas besoin de gagner des régions lointaines pour échapper à la disette et au froid. La domesticité ou la quasi-domesticité, en assurant à l’animal l’abri et la nourriture, lui enlève ses habitudes errantes et l’attache dans les pays où l’homme vient à son aide. Le voisinage des villes ou des lieux habités attire certaines espèces et les fixe ; la concentration des animaux domestiques leur procure des ressources qu’ils seraient obligés de quêter çà et là dans des contrées sauvages. Plusieurs, après avoir abandonné un pays, y reviennent tout à coup, parce que les causes qui les avaient fait émigrer ont disparu. Le célèbre naturaliste suédois Nilsson a signalé dans sa patrie l’apparition en 1825 de la chauve-souris, vespertilio noctula, que n’avaient rencontrée ni Linné ni aucun des explorateurs de la Suède, et la réparation de la cathédrale de Lund, en mettant plus tard au jour dans les murs de cette église les ossemens d’un grand nombre des mêmes vespertilions,