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restes de didelphes, d’édentés, de tapirs, de chauves-souris, fort analogues à ceux qui habitent aujourd’hui cette partie de l’Amérique. La prédominance des marsupiaux caractérise la faune paléozoïque de l’Australie comme sa faune actuelle ; seulement cette classe d’animaux à poche, qui embrasse des genres correspondant aux différentes divisions des mammifères, comptait un plus grand nombre de types et des espèces beaucoup plus grandes. Là encore s’est manifestée une sorte de dégénérescence. Les faunes spéciales qui apparaissaient à quelques naturalistes comme des créations comparativement récentes sont au contraire les preuves d’une antique distribution des animaux, les derniers représentans de types qui tendent à s’effacer. De même on reconnaît par l’étude des coquilles fossiles que des mollusques actuellement assez rares étaient fort communs aux âges antérieurs.

L’origine de la distribution présente des animaux et des plantes[1] doit ainsi être cherchée dans les distributions antérieures. De même qu’une société se compose de familles plus ou moins anciennes et de patries diverses, la faune d’une contrée embrasse des espèces très différentes d’âge et de point de départ. Les unes, bien que fort répandues, n’ont apparu que récemment : ce sont les anoblis de fraîche date ; les autres, confinées dans quelque coin du globe, remontent à une haute antiquité : elles rappellent ces nobles de vieille souche dont les ancêtres ont rempli le pays de leur nom, et qui vivent maintenant retirés dans leurs manoirs. Il faudrait donc, pour avoir une idée exacte des causes qui ont présidé à la répartition actuelle des espèces animales, être en état de tracer pour chaque époque la carte de notre terre, il faudrait que le bel atlas historique de Spruner pût remonter aux âges primordiaux ; alors on s’expliquerait bien des anomalies, l’on aurait la raison des singuliers mélanges que nous offrent aujourd’hui certaines faunes locales. Mais que de recherches sont nécessaires ! Il faudra compter pour ainsi dire toutes les espèces présentes et passées, déterminer nettement la distinction entre les unes et les autres. L’acclimatation, la propagation des animaux domestiques, qui remontent à des temps déjà fort anciens, apportent des perturbations de plus en plus grandes dans la faune naturelle. Les premières émigrations humaines qui passèrent d’Asie en Europe introduisirent dans cette dernière région certains mammifères, certains oiseaux qu’on avait déjà domestiqués, et jusqu’à des insectes comme l’abeille, des parasites comme la puce et le pou. C’est ce qui ressort de l’étude des mots par lesquels ces animaux de nature diverse sont désignés chez les

  1. Voyez à ce sujet l’excellent ouvrage de M. Alph. de Candolle, Géographie botanique raisonnée (Paris 1855), et l’article publié par M. Ch. Martias dans la Revue du 1er octobre 1856.