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le nom de France équinoxiale, puis nommée Eldorado par les Espagnols, qui avaient espéré y découvrir un riche lac aurifère, la Guyane est couverte de forêts dont le défrichement offrirait un terrain fertile, propice à la végétation des cacaoyers. Déjà quelques produits remarquables de cette provenance autorisent à croire au succès probable de cette culture. Des succès du même genre, réalisés sur le sol également fertile de la Guyane hollandaise, sont de nature à confirmer notre supposition.

En tout cas et de toutes parts, les planteurs qui voudront concourir à développer, à perfectionner cette utile production agricole, exclusivement réservée aux contrées intertropicales, doivent tourner leurs regards vers les florissantes cultures de Caracas et de Guatemala[1]. Dans ces riches exploitations, l’abondance, la valeur commerciale et la qualité supérieure des produits doivent fixer l’attention sur les moyens d’imiter, autant que le permettraient les circonstances locales, les pratiques qui ont amené d’aussi remarquables résultats. Et s’il n’était permis d’atteindre à la qualité de ces crus privilégiés, ne pourrait-on du moins essayer de réunir des conditions semblables à celles que l’on rencontre dans la province brésilienne de Maragnan, couverte de plantations dont les produits, plus rapprochés de ceux de nos colonies, les dépassent cependant en qualité et sont justement appréciés sur tous les marchés de l’Europe ?

Quelles sont donc les bonnes conditions que nos producteurs de cacao doivent s’attacher à réunir ? Il importe d’abord de bien connaître la plante, puis de recueillir les données de l’expérience sur les soins qu’elle réclame. C’est ce que l’on néglige assez généralement, et l’ignorance, l’incurie, exercent sur cette branche de la production coloniale une influence trop fâcheuse pour qu’on n’essaie pas d’y porter remède par quelques indications indispensables.

Les botanistes ne reconnaissent qu’une seule espèce de cacaoyer qui soit bonne à cultiver[2]. L’illustre fondateur des classifications actuelles, Linné, l’a désignée sous le nom de theobroma cacao, composé des mots Θεός (Dieu) et βρώμχ (nourriture), le produit que l’on

  1. En voyant la position exceptionnellement heureuse où se trouve cette production dans la république de Venezuela, qui suffit à peine aux débouchés extérieurs et livre ses cacaos à des cours deux et quatre fois plus élevés que toutes les autres exploitations, on comprend difficilement le but de la mesure qui dans cette contrée prohibe l’introduction des cacaos étrangers, de ceux-là mêmes qui, moins dispendieux, améliorent par leur arôme spécial la qualité trop douce du produit isolé de Caracas.
  2. Parmi les autres espèces comprises dans une même tribu botanique, on distingue le theobroma guyanense, originaire de la Guyane ; le theobroma cariba, des Indes-Occidentales ; le theobroma bicolor, de l’Amérique du Sud. Un voyageur français, M. Goudot, a remarqué dans la Nouvelles-Grenade une espèce très productive désignée à Muro sous le nom de montaraz, dont les graines amères sont renommées dans le pays pour leur propriété fébrifuge.