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ter au spectacle des débats intérieurs de la confédération germanique. Notre souci, et nous avons bien le droit de dire qu’il est celui de toutes les classes éclairées et industrieuses en France, en Angleterre et sur le continent, vient de plus haut : il vient du caractère précaire des diverses situations en Europe, qui peut à l’improviste communiquer une gravité extrême aux questions agitées, et changer soudainement en conflits violens des divergences d’opinions et des antagonismes d’intérêts ; il vient de l’altération qu’a subie et qu’éprouve chaque jour encore l’ensemble de nos relations avec l’Angleterre ; il vient surtout chez nous d’une tendance de l’opinion, qui, privée des discussions, des accidens, des distractions de la vie politique intérieure, prend un intérêt excessif et maladif aux questions étrangères, et, soit par des excitations aveugles, soit par des craintes irréfléchies, est portée à amplifier, à passionner, à envenimer les questions de cet ordre. Nous ne serons pas démentis par ceux qui ont étudié avec sympathie les qualités et les défauts de notre nation, si nous disons que pour un peuple qui est si prompt à s’émouvoir aux idées de grandeur et de gloire militaire, qui est si heureux du sentiment de sa puissance, qui porte dans la guerre si peu de calcul et tant de désintéressement, c’est une diète périlleuse que d’avoir pour pâture politique exclusive les questions extérieures. Nous sommes entrés depuis un an dans une phase dont l’élément dominant et absorbant est la politique étrangère, et l’esprit public, qui, pour conserver son équilibre, aurait besoin au contraire de se développer dans le cercle de la politique intérieure, semble, par ses entraînemens ou ses appréhensions, s’y engager chaque jour davantage. Voilà le péril général qui plane sur les affaires qui se déroulent aujourd’hui, et ajoute une gravité singulière aux difficultés qui leur sont propres ; voilà l’influence vague et menaçante que nous ne pouvons perdre de vue en examinant ces difficultés l’une après l’autre.

Commençons par les affaires d’Italie. Le premier acte de la paix de Zurich, le traité particulier entre la France et l’Autriche, est signé. La maladie et la mort du comte Colloredo ont retardé la signature de l’acte final, mais nous possédons, dans l’analyse qui a été publiée de la première convention, les dispositions essentielles de la paix, celles qui déterminent les questions les plus importantes. Nous ne nous arrêterons qu’à celles-là, c’est-à-dire aux articles relatifs aux états du saint-père, aux duchés et à la confédération italienne. Comme nous l’avions pensé des la paix de Villafranea, le concours de l’Autriche aux efforts que nous faisions pour obtenir l’amélioration du gouvernement pontifical devait être le principal prix des conditions favorables accordées à l’empereur François-Joseph. Cet article, où deux puissances stipulent en principe la nécessité des réformes dans un état qui n’est point partie au traité, ne plaira pas sans doute à ces défenseurs du saint-siège qui regardent comme une atteinte portée à sa souveraineté les conseils semblables qui lui ont été donnés à tant de reprises par les grands gouvernemens de l’Europe. Il est fâcheux, nous le voulons bien, que le saint-père n’ait point empêché l’insertion d’une clause semblable en la devançant et en prenant lui-même l’initiative des mesures qu’il a mieux aimé se laisser demander ; il est également regrettable que les réformes pontificales, que l’on s’attend à voir bientôt promulguées, arrivent si tard, peut-être même trop tard, pour les populations qui se sont détachées des états