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le roi de Sardaigne qui aurait voulu montrer à ses amis d’Italie le poids des considérations qui l’empêchent d’accéder à leurs vœux ? Nous aimerions mieux que cette supposition fût la vraie. Nous ne parlerons pas, quant à nous, des dissentimens théoriques qui nous séparent de certains points de la lettre impériale. Nous aimons mieux signaler d’abord le sentiment louable qui a porté l’empereur à l’écrire, et qui en inspire le début. Nous avons eu plusieurs fois à louer l’empereur du contraste qui distingue ce qu’il a dit ou écrit lui-même sur la paix de Villafranca des déclamations que cette paix a inspirées à de maladroits adulateurs. Le ton de l’empereur a toujours été franchement modeste ; il l’est encore aujourd’hui : « Il ne s’agit pas maintenant, dit-il, de savoir si j’ai bien ou mal fuit de conclure la paix à Villafranca ; » puis, mettant de côté, avec une simplicité remarquable, toute apologie stérile du passé, l’empereur ne songe qu’à conjurer les difficultés du présent, en demandant au roi de Sardaigne de l’aider à tirer le meilleur parti possible du traité. Nous avons plaisir à insister sur l’application sincère à conjurer les périls de la situation de l’Italie qui anime la lettre impériale. Sans entrer dans l’examen du programme des solutions présentées par l’empereur, lesquelles devront donner lieu, au sein du congrès, à des délibérations approfondies, et que nous aurons nous-mêmes pendant longtemps encore le loisir de discuter, nous relèverons la bonne nouvelle que nous apprend l’empereur à propos du centre directeur de la confédération projetée. La diète qui siégerait à Rome serait formée « de représentans nommés par les souverains sur une liste proposée par les chambres, afin que l’influence des familles régnantes, suspectes de partialité pour l’Autriche, fût balancée par l’élément sorti de l’élection. » Ainsi il y aurait des chambres à Rome, à Naples, en Vénétie. C’est là ce que nous appelons une bonne nouvelle. Mais si nous n’abordons pas le fond même de la lettre impériale, nous ne craindrons pas de présenter un court plaidoyer en faveur du roi de Sardaigne : nous oserons réclamer pour lui la patience de l’empereur.

En admettant en effet que le roi de Sardaigne doive et puisse adopter dans toutes ses parties le programme impérial, nous ferons remarquer que de nombreuses difficultés attachées à sa position particulière l’empêchent sans doute de donner à ce programme une adhésion immédiate et absolue. L’empereur lui-même reconnaît avec raison que les complications de la paix sont souvent plus multipliées que celles de la guerre. Il est permis d’entrevoir même dans sa lettre que la conciliation d’intérêts qu’il pense avoir accomplie par son programme n’a point été l’œuvre d’un jour. L’acquiescement de l’Autriche à tous les détails de la solution impériale a dû coûter une longue négociation, et la longueur même de cette négociation n’a pas peu contribué à maintenir l’état d’incertitude où le roi de Sardaigne et les Italiens sont restés jusqu’à ce jour. Cependant les promptes et décisives résolutions sont bien plus faciles à l’empereur d’Autriche qu’au roi de Sardaigne. L’empereur François-Joseph est un souverain absolu ; le roi de Sardaigne est un souverain constitutionnel. La dictature qu’il possède depuis la guerre n’est que temporaire, et ses plus grands ennemis ne lui ont jamais fait l’injure de supposer qu’il voulût la rendre perpétuelle. Ses ministres auront à répondre devant les chambres de l’usage qu’ils auront fait de cette dictature. Il a donc à compter avec des influences et un contrôle qui sont ignorés du