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REVUE. — CHRONIQUE.

La mort vient d’enlever en Allemagne un compositeur célèbre, Louis Spohr, qui s’est éteint à Cassel le 22 octobre, âgé de soixante-seize ans. Né le 5 avril 1783 dans une petite ville du duché de Brunswick, Saesen, Spohr montra dès l’âge le plus tendre de grandes dispositions pour la musique. Il devint promptement un habile virtuose sur le violon, fit des voyages en Russie, dans l’Allemagne du sud, surtout à Vienne, où il s’acquit la réputation d’un violoniste de premier ordre et d’un compositeur distingué. Tour à tour maître de chapelle du duc de Brunswick, du duc de Saxe-Gotha, chef d’orchestre du théâtre an der Wien à Vienne, où il a composé son opéra de Faust, qui a longtemps occupé la scène allemande, Spohr fut nommé maître de chapelle à la cour électorale de Hesse-Cassel, où il est resté jusqu’à sa mort. Après avoir fait un voyage en Italie, Spohr vint à Paris en 1819 et se fit entendre en public et dans plusieurs séances de quatuors sans y produire, comme violoniste, une très vive sensation. Il fut plus heureux à Londres, où les journaux anglais lui firent un accueil très brillant. Spohr a composé beaucoup de musique instrumentale, de musique religieuse, et des opéras dont le plus célèbre, regardé comme son chef-d’œuvre, est Jessonda. Chef d’une école de violon qui a produit de nombreux artistes et dont il a exposé les principes dans un ouvrage spécial, Violinschule, qui a paru à Vienne en 1831, Spohr est un compositeur essentiellement allemand par le caractère de ses idées mélodiques, la complication de sa forme, le coloris de son instrumentation, et par son harmonie travaillée, toujours remplie de modulations ardues. Spohr, qui ne fut pas un homme de génie, se rattache au grand mouvement de l’école allemande qui a produit Beethoven, Weber, Mendelssohn, et en dernier lieu Robert Schumann. Si Weber n’était pas venu, Spohr aurait occupé le premier rang peut-être sur la scène lyrique de son pays.

P. Scudo

ESSAIS ET NOTICES

l’anniversaire séculaire
DE LA NAISSANCE DE SCHILLER.


L’Allemagne s’apprête à fêter dignement l’anniversaire séculaire de la naissance d’un de ses grands poètes. Le 10 novembre 1759, dans une petite ville de la vallée du Neckar, naissait, de parens pauvres et humbles, un enfant destiné à devenir l’un des rois de l’art germanique ; le 10 novembre 1859, toutes les villes allemandes, célébrant ce souvenir, vont se disputer l’honneur de glorifier l’illustre enfant de Marbach, l’auteur des Brigands et de Guillaume Tell. Cette fête de Schiller n’est pas une fête improvisée ; voilà longtemps que l’Allemagne s’y prépare. Le 28 août 1849, au milieu des émotions d’une année tumultueuse, et sous la menace d’une guerre civile, elle avait célébré avec enthousiasme l’anniversaire séculaire de la naissance de Goethe ; on devait les mêmes honneurs à son glorieux émule, et l’enthousiasme est plus grand encore, s’il est possible, que celui qui passionna, il y