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Les grandes entreprises, les sucreries, les plantations sont entre les mains des Anglais, de quelques Français et d’un petit nombre de créoles. Parmi ceux-ci, il en est de fort intelligens, qui, sur cette terre active et libre, sous la protection des lois et sans avoir beaucoup à souffrir des préjugés de race, ont déployé en toute sécurité leur intelligence, leur énergie, et amassé quelquefois de grandes fortunes. De ce nombre était l’un des hôtes de M. Ellis, qui n’employait pas moins de trois cent soixante cultivateurs, et cet homme de couleur déployait le plus grand zèle pour répandre au milieu de ses ouvriers et de ses nombreux serviteurs coolies et créoles la moralité et les sentimens religieux. Tous ces riches planteurs et négocians ont aux environs de Port-Louis, à Roche-Bois, à Nouvelle-Découverte, à Peter-Botte-Mountain, des villas et des cottages délicieux avec des cascades, des jardins, des points de vue de toute beauté, et semés sur le penchant des pitons volcaniques, au milieu de la plus luxuriante végétation.

C’est dans un tel séjour et avec les nombreux amis qu’il s’y était créés que le révérend Ellis attendait le moment de faire une nouvelle tentative pour pénétrer dans Madagascar. Les négocians de Maurice avaient promptement souscrit les 15,000 dollars réclamés par Ranavalo, et l’un d’entre eux était parti avec M. Caméron pour remettre cette indemnité à la reine. Les envoyés revinrent porteurs d’une lettre de Rainikietaka, treizième honneur, officier du palais, qui faisait savoir que la compensation offerte pour l’offense commise par William Kelly et Romain-Desfossés, avec trois vaisseaux, était acceptée, à la condition que l’administration de Maurice reconnaîtrait que son argent ne lui conférait aucun droit ni sur la terre, ni sur le royaume de Madagascar. Les Européens étaient prévenus qu’il leur était interdit de prendre possession d’aucune place, d’aucun port dans les limites de l’île, et d’acheter des produits dont l’exportation était défendue. Les droits sur les objets importés et exportés étaient fixés à 10 pour 100. À ces conditions, la réouverture du commerce était accordée, et la reine consentait à ne pas rétablir la traite et la vente extérieure des esclaves, supprimées par Radama. La lettre contenait en outre ce passage : «… Un certain Européen français a pris possession d’un lieu à Ibaly, où il a élevé une maison, un magasin, et dont il a fait un port pour les vaisseaux. Nos officiers supérieurs ont été envoyés pour l’expulser et le renvoyer par mer. Nous ne le tuerons pas, mais sa propriété sera confisquée parce qu’il a pris possession d’un port, et nous ne promettons de l’épargner que si lui-même ne tue aucun soldat, car alors ceux-ci pourront le faire périr. Nous avons voulu vous prévenir de ce fait pour que vous n’ayez pas à dire : Pourquoi, quand le commerce