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voyageurs Barth et Baïkie nous ont montrés subjuguant l’Afrique intérieure de Timbuktu, sur le Niger, à Yola, dans l’Adamawa. Le rapprochement des langues indique qu’il existe entre les Hovas et les Polynésiens des rapports de famille ; les mêmes mots servent à désigner le cocotier, le pandanus, qui croissent également sur les rivages de Taïti et sur ceux de Madagascar, ainsi que nombre d’autres objets. Toutefois la structure des phrases et la composition des verbes sont bien plus savantes et plus compliquées dans la langue malgache. Les Sakalaves, habitans de la côte occidentale, semblent appartenir aux races noires de l’Afrique ; cependant ils rappellent par certaines de leurs habitudes, empruntées peut-être à d’autres familles d’émigrés, les populations asiatiques de Ceylan et de l’Inde ; les Betsimasarakas paraissent être le produit d’un mélange noir et malais ; enfin toutes les nuances et toutes les dégradations entre ces divers types peuvent être observées chez les nombreuses tribus que la conquête hova a récemment groupées sous une même dénomination.

Le marché de Tamatave, où se trouvaient rassemblés des produits de l’île entière, présentait aussi un spectacle fort intéressant et propre à faire connaître l’état actuel de l’industrie dans la société malgache. Ce marché se tient journellement sur une grande place ; il est abondamment fourni de céréales, surtout de riz et de manioc ; les produits étrangers y sont représentés par des cotonnades blanches et imprimées, et ceux de l’industrie indigène par des instrumens aratoires, des armes, des lambas, des tissus faits de la feuille d’une espèce de palmier appelé rofia, qui constituent presque uniquement le costume des classes laborieuses, par des chapeaux de jonc tressé, des nattes, des corbeilles, et par ce mélange de tabac, de cendres et de sel si estimé de toute la population. Tous ces articles étaient répandus sur le sol ou disposés sur de petites plates-formes de terre et de sable soutenues par des omoplates de bœufs. Des huttes entières étaient remplies de barils d’un arak fait avec du jus de canne fermenté ; plusieurs robinets coulaient sans discontinuer, et il était facile de voir, à la tenue de beaucoup d’indigènes, que les lois de tempérance imposées autrefois par Radama étaient tombées en désuétude. Des animaux vivans, dont plusieurs sont d’une grande rareté, ne formaient pas la partie la moins intéressante de cette exposition malgache ; dans le nombre se trouvaient des lemurs, animal qui semble, ainsi que l’aye-aye, être particulier à Madagascar. La tête allongée du lemur rappelle celle du renard ; il a les oreilles courtes et velues, le corps blanc et noir couvert d’un pelage laineux et abondant, une longue queue touffue, les membres de derrière plus forts que ceux de devant. Son agilité égale celle du singe.