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tranchées par cette espèce de jugement de Dieu. Cet usage tend à disparaître, et les applications en sont devenues beaucoup plus rares depuis Radama.

À l’embouchure de l’Iharoka, seize de ces canots taillés dans une souche d’arbre qui servent à la navigation des nombreuses rivières de Madagascar reçurent les bagages et les voyageurs. Ceux-ci, laissant le bord de la mer pour remonter le fleuve pendant quelques milles, se dirigèrent à l’ouest, droit sur Atanarive. À mesure qu’on s’éloigne de la côte, l’air s’assainit ; les villages se pressent davantage, et leurs habitans, plus industrieux, semblent jouir de plus de bien-être. Le terrain s’élève graduellement, formant des lignes successives de hauteurs couronnées d’arbres et de vallées tapissées d’une luxuriante verdure. Çà et là, de larges blocs de quartz gisent sur le sol. Quelques rivières coupaient la route ; on les passait en canot, et des troncs d’arbres jetés sur les ravins et sur les torrens servaient de ponts. Souvent près des villages, sur des hauteurs d’où l’œil embrasse d’immenses horizons, on voyait se dresser des monticules de terre enfermés entre quatre murs de pierre hauts de cinq ou six pieds, et surmontés d’une petite construction en pierre ; ce sont des sépultures hovas. Les Malgaches en général professent un grand culte pour les morts et pour les ancêtres ; d’ailleurs ils n’ont pas de système religieux bien arrêté : des superstitions, quelques idées incertaines de transmigration, voilà tout ce que leur ont apporté leurs ancêtres venus de la Polynésie et de l’Inde, ce qui paraît rejeter vers des temps très reculés les migrations qui, de ce côté, ont contribué à peupler Madagascar. Un même mot vague sert à désigner la Divinité, les phénomènes surnaturels et tout ce qui passe l’intelligence, le mot zanahary ; plus d’un indigène le prononça en contemplant les merveilles de la photographie et du télégraphe électrique. En l’absence de divinités bien définies, les chefs ont revendiqué pour eux-mêmes les hommages de la piété publique, prétendant tenir de leurs aïeux un caractère sacré. Ce fait explique la violence des persécutions qui ont frappé le christianisme ; on reprochait à la fois à ses adhérens de trahir l’autorité royale et de renier leurs ancêtres : « Que ces étrangers, disaient les Malgaches rebelles à la religion chrétienne, en parlant des missionnaires, gardent leur ancêtre le seigneur Jésus, et qu’ils nous laissent adorer les nôtres. » Aux Arabes, qui ont sillonné Madagascar aussi bien que l’Afrique entière, les indigènes ont emprunté quelques pratiques, par exemple la circoncision, sans s’arrêter à aucun des principes fondamentaux de l’islamisme.

À mesure qu’on approchait de la capitale, les indices de la conquête et de la puissance des Hovas étaient plus apparens. Les villages