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de cette population belliqueuse et dominatrice étaient perchés sur des hauteurs et entourés de fortifications comme nos manoirs féodaux du moyen âge. Dans les champs, la culture semblait plus généralement abandonnée aux esclaves. L’esclavage, très répandu dans l’île, n’a pas semblé à M. Ellis aussi oppressif qu’on pourrait le croire : c’est une espèce de domesticité qui n’a, dit le missionnaire, rien de comparable aux horreurs de l’esclavage dans les Indes occidentales ; toutefois il n’est pas rare de voir un malheureux allant à sa besogne avec un collier de fer au cou ou une espèce de carcan, en punition de quelque faute. Le prix d’un esclave mâle est de 70 à 100 dollars, et celui d’une femme moitié moindre. On a parlé de cruautés excessives exercées à la côte ouest par les Hovas sur les Sakalaves ; la relation du révérend Ellis ne nous met pas à même d’apprécier le degré d’exactitude de ces faits.

Après vingt jours de marche et un parcours de trois cents milles, les voyageurs parvinrent à un village assis sur le rebord d’une chaîne de granit et appelé de sa situation Ambatomanga, le Rocher bleu. Ils étaient aux portes d’Atanarive. Trois cavaliers vinrent les prendre pour les introduire dans la capitale, et bientôt la cité des mille villages se déroula sous leurs yeux. Atanarive s’étend sur un plateau ovale long d’une demi-lieue qui domine la contrée environnante et s’élève à sept mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Vers le centre, sur une éminence appelé Tampombohitra, ce qui signifie la Couronne de la cité, se dresse le palais, construction la plus importante et la plus vaste de la ville. Il a soixante pieds d’élévation, et son toit aigu, sur lequel s’ouvrent trois étages de fenêtres, est surmonté d’un emblème représentant en bois doré un oiseau de proie, espèce de vautour appelé vozomahery, littéralement l’oiseau du pouvoir. Un verandah coupé en deux par un balcon enveloppe ses murs. À côté de la résidence royale s’élève une construction analogue, mais de moindres proportions : c’est la demeure du prince royal, et des deux côtés, sur la crête de la hauteur, s’alignent les maisons des autres membres de la famille royale et des principaux officiers du gouvernement. Plus bas s’étendent, sans beaucoup de régularité, les habitations particulières avec leurs toits aigus de chaume et de gazon. L’aspect uniforme de toutes ces maisons, la couleur sombre de leurs murs de bois et la nudité du plateau sur lequel elles sont assises composent un ensemble sévère qui contraste tristement avec la riche végétation des vallées environnantes. Le feuillage de quelques figuiers épars dans les enclos et l’angle aigu qui termine la toiture du palais rompent seuls la monotonie de la masse de rochers de granit et de maisons de bois qui de loin signalent Atanarive.