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l’attraction lunaire et de la pesanteur terrestre, la surface de la baie de la Seine forme un plan incliné dont l’arête supérieure se confond avec la ligne que décrit le flot de Barfleur au cap d’Antifer, et dont l’arête inférieure s’appuie sur la cote de Basse-Normandie. Il existe une preuve directe de cette inclinaison dans la différence du niveau de la haute mer au nord et au sud du cap d’Antifer : dans les marées des syzygies, la mer pleine est à Dieppe de huit décimètres plus élevée qu’au Havre. Lorsque, après avoir obéi aux attractions de la lune et du soleil, les eaux de la Manche sont abandonnées à leur propre poids, elles se retirent par un mouvement inverse de celui par lequel elles se sont élevées, et la dénivellation s’opère d’abord au nord du parallèle de Barfleur. Elle ne se fait sentir au fond de la baie de la Seine que lorsque les eaux qui l’ont remplie sont rappelées par un creusement du large suffisamment prononcé : la mer reste donc haute sur la côte méridionale jusqu’à ce que le plan incliné formé par le flot se soit renversé. Ce seul fait suffirait pour allonger sensiblement à l’embouchure de la Seine et sur la côte du Calvados la durée de la haute mer. L’effet en est fortifié dans l’est de la baie par le courant que nous avons vu partir du cap de Barfleur. Tandis que le courant direct qui se bifurque au cap d’Antifer entre dans la Seine en doublant la pointe du Havre, celui qui vient de Barfleur suit dans le contour de la baie une route plus longue, et il se présente à l’entrée de la Seine au moment où l’autre va rétrograder ; il le soutient ainsi, et retarde encore l’heure de la retraite de la mer.

Ces phénomènes, observés par M. Beautemps-Beaupré et par les ingénieurs chargés sous ses ordres de l’hydrographie de la baie de la Seine, ont fourni, il y a vingt-sept ans, une explication bien autrement plausible que celles, visiblement erronées, qu’on donnait jusqu’alors de la durée du plein de la mer dans ces parages. Les esprits difficiles n’étaient cependant qu’à demi satisfaits, et ne trouvaient pas que la puissance des causes assignées fut au niveau de la grandeur des effets produits. Ces esprits étaient dans le vrai : il restait à découvrir une loi importante de la marche des marées, et, faute de la connaître, on comprenait mal les résultats remarqués dans la Manche. On avait cru, jusqu’aux belles observations de M. Chazallon, que la mer n’avait qu’une sorte d’oscillation, celle qui s’accomplit dans le demi-jour lunaire. Il n’en est point ainsi. Outre la grande ondulation qui met un demi-jour à monter du niveau le plus bas au plus élevé et à redescendre à son point de départ, il y a des ondulations secondaires d’un quart, d’un huitième de jour et de fractions moindres, qui, à la différence près de l’amplitude et de la durée, se comportent comme la première. Les