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mouvemens d’ascension et de retraite de ces diverses ondes ne se coordonnent pas partout de la même manière. Sur tels rivages, ils sont en coïncidence ; les hauteurs des différentes oncles se superposent, et l’étale a d’autant moins de durée qu’elle arrive et s’écoule plus rapidement. Sur tels autres rivages, les maxima des ondes se contrarient ; une onde de quart de jour par exemple descend tandis que l’onde de demi-jour monte, ou monte quand l’autre descend ; la résultante de ces mouvemens contraires est un affaissement du maximum de la marée ; elle s’élève moins, mais s’étale davantage, et reste plus longtemps dans les plans horizontaux voisins du niveau supérieur. Les principales ondes, dont l’ensemble constitue le régime de la marée, arrivent et s’écoulent séparément vers l’embouchure de la Seine, et la combinaison de cette circonstance avec les interférences des courans de flot qui viennent des caps d’Antifer et de Barfleur a pour résultat la lenteur salutaire avec laquelle la haute mer franchit dans cette région les degrés rapprochés de l’étale. Pour résumer ces complications en un fait unique, si l’on considère à Dieppe et au Havre la tranche supérieure de la marée sur une épaisseur de 20 centimètres, la mer mettra à Dieppe 73 minutes à gagner et à perdre cette hauteur, et 151 au Havre : une marée du Havre en vaut donc deux de Dieppe, et c’est surtout en pareilles circonstances que le temps est de l’argent.

Une plage pestilentielle dépourvue d’eau potable, mais située sur le point de nos côtes de la Manche où le régime des marées est le plus favorable à la navigation, a été la base de la fortune du Havre. À part les exigences politiques et militaires qui furent le motif de cette création, le port a commencé par n’être qu’un port de pêche ; mais à mesure que le territoire situé en arrière s’est enrichi et percé, il a fourni des acheteurs et des vendeurs. D’abord timidement placé à côté de la pêche, le trafic a grandi lorsqu’elle demeurait stationnaire. Ce qui était le principal est devenu l’accessoire, et a fini, quand des entreprises plus lucratives ont accaparé les bras et l’espace, par émigrer presque entièrement dans des lieux où les moyens d’existence étaient à sa portée. L’histoire du commerce du Havre ne serait guère plus celle de la marine proprement dite que celle du développement progressif des communications intérieures qui se ramifient au sein du beau pays qu’il dessert. Il ne paraît pas que les deux foires franches dont François Ier dota en 1530 sa ville de prédilection aient été fort achalandées dans leurs premières années. Sous les règnes suivans, Le Havre fut un des points du territoire les plus agités par les guerres de religion, et le commerce pouvait difficilement s’étendre dans ces temps de trouble. Henri IV