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artésien du Havre : la sonde est descendue, sans le traverser, à 208 mètres de profondeur.

La constitution physique et la friabilité des terrains exposés à l’action des eaux expliquent la profondeur des érosions qu’ils ont subies. Voyons maintenant comment les eaux ont agi sur ces masses.

Ruisseau, torrent, rivière ou fleuve, tout cours d’eau transporte les débris des terrains qui l’alimentent au lac ou à la mer où vient expirer sa vitesse : les hauteurs s’abaissent, les bas-fonds s’élèvent, et persistant comme la puissance silencieuse de la pesanteur, ce travail de nivellement avance avec le temps et ne recule pas davantage. Le bassin hydraulique dont les dépouilles descendent la Seine comprend la totalité des territoires de sept départemens et des portions plus ou moins considérables de dix autres ; l’étendue en est de 7,553,000 hectares, et toutes les fois qu’une inondation s’épand, qu’un orage éclate sur ce vaste espace, des matières terreuses s’acheminent vers le réservoir commun. Si, comme le Rhône, le Nil et le Pô, la Seine se jetait dans une mer à niveau constant, ses dépôts ne seraient pas moins apparens que ceux de ces fleuves ; elle formerait aussi son Delta, et l’on mesurerait chaque année au-dessous de Quillebeuf l’extension prise par ses alluvions ; mais il n’en est pas ainsi. Tandis que les eaux amorties des autres fleuves abandonnent les terres dont elles sont chargées à leur embouchure, les courans de marée s’emparent des eaux de la Seine ; le flot les refoule violemment dans leur lit, le jusant les entraîne au large, et elles entrent, au contact de la mer, dans une période de nouvelles vicissitudes. Les sables se fixent presque immédiatement ; mais les matières plus ténues restent en suspension dans l’eau comme les vapeurs aqueuses dans l’air, se dissipent et s’affaissent de même. Les marins de l’entrée de la Seine ne se trompent pas sur l’origine des nuages vaseux qui se forment à la suite des crues des eaux douces ; ils les reconnaissent à leurs teintes argileuses. Les crétines, c’est ainsi qu’ils les appellent, se tiennent longtemps dans les tranches supérieures des eaux salées ; quand les vents d’est soufflent, elles sont poussées fort loin au large et y sont quelque temps promenées au gré des vents et des marées ; parfois aussi elles sont ramenées à l’embouchure du fleuve. Les alternatives des hautes et des basses mers, de la violence ou de la mollesse des vents et des courans, dispersent ou rassemblent ces matières vaseuses ; mais, toujours sollicitées par leur propre poids, elles descendent au fond dès qu’un peu de calme le permet. Une part, et c’est heureusement la plus forte, se perd dans les abîmes de l’Océan ; une autre se dépose dans le golfe intérieur de la Seine : mille influences indéfinissables accélèrent