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poids et par le volume, tout cela procure d’incontestables avantages ; mais en définitive ces moyens d’investigation secondaires ne peuvent que poursuivre les symptômes, les circonscrire, s’il est possible, les discerner, s’il y a lieu, rendre le diagnostic plus précis et plus net. Là se bornent les services qu’on peut retirer de tels moyens pour la connaissance des maladies ; encore faut-il en user avec discernement, et ne point céder à la tentation de faire des tours de force. L’art d’établir avec précision et rigueur le diagnostic d’une affection pathologique est le côté brillant de la médecine clinique ; il séduit la foule des médecins et les entraîne bien souvent à des excès d’exploration qui rappellent les subtilités des recherches sur le pouls, tant reprochées dans l’antiquité à Galien et à Archigène, et chez les modernes à l’Espagnol Solano de Luque, et à Bordeu, qui l’a suivi. Baglivi avait prévu les conséquences qu’entraînent ces excès. Quoiqu’il fût grand partisan des idées de Bacon, qu’il s’efforçait d’appliquer en homme supérieur, il s’affligeait, non sans raison, du mauvais emploi des ressources accessoires et des moyens auxiliaires. « De tout cela, dit-il, notre art reçoit aide et lumière ; mais l’art lui-même ne consiste pas en cela ; his omnibus ars nostra illustratur, non effitcitur[1]. » Certes le diagnostic est un grand point, et plus il est précis, mieux il vaut ; mais ce qui vaut mieux encore, c’est la connaissance des causes et de la nature des maladies, non de l’essence intime qui nous échappe et qu’il faut abandonner aux chercheurs de chimères. Étiologie et thérapeutique sont deux termes dont l’ensemble constitue la vraie et grande médecine : le diagnostic n’est qu’un terme intermédiaire, quoique dans les traités élémentaires destinés à l’instruction il ait la première place, à tel point qu’on peut dire de la plupart de ces traités qu’ils n’enseignent que le diagnostic. Avec de pareils guides, l’art devient métier et l’instruction apprentissage. Tels sont les livres, tels aussi les commentaires qui les expliquent, c’est-à-dire les leçons et les exemples.

On pourrait croire que le tableau est chargé, il n’est que ressemblant. Les ouvrages réputés classiques n’offrent rien de plus ; ils sortent tous du même moule. Ce sont des manuels gros de choses et vides d’idées, faits pour la mémoire. La vie est absente de ces énormes livres. Le nombre est infini des traités de pathologie générale où il n’y a point d’idées générales, des traités de philosophie médicale où il n’y a point de philosophie. Des définitions arides, des classifications incomplètes, vicieuses ou arbitraires, des dissertations inutiles, voilà ce qu’on y trouve. Les ouvrages de médecine publiés de nos jours ont de commun avec la plupart des productions de la littérature contemporaine l’absence d’idées, qui multiplie

  1. Prax. Medic., lib. I, c. I, § 10.