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vicieuse, doit signifier un système de notions générales qui embrasse toutes choses. Dans cette vaste conception, tout est compris, tous les procédés qui servent à reconnaître le vrai y ont leur emploi. Connaître la valeur et l’usage de chacune de ces méthodes, savoir en quoi elles se ressemblent, en quoi elles diffèrent, et comprendre en quelle relation elles sont les unes avec les autres, c’est posséder le mécanisme des facultés de l’esprit et les choses auxquelles s’appliquent ces facultés, c’est-à-dire la science tout entière. Or le médecin doit la posséder, puisqu’il est obligé de parcourir tout le cercle des connaissances. La pratique, sans la théorie dont elle dépend, et qu’elle sert, ne saurait avoir un côté vraiment scientifique ; le médecin sans la théorie n’est qu’un empirique, et où la théorie fait défaut, l’expérience elle-même perd toute sa valeur : elle devient routine. Aussi l’éducation médicale doit-elle être essentiellement philosophique, c’est-à-dire conforme aux progrès accomplis par les sciences et fondée sur les généralités qui constituent les principes de la philosophie, ou mieux la philosophie même, si l’on entend par philosophie non pas les spéculations subtiles de la métaphysique, mais la conception du monde réel et de ses lois, conception qui résulte de l’ensemble de toutes les sciences concrètes et abstraites et de la connaissance de leurs rapports. C’est par là que l’esprit philosophique doit pénétrer dans la médecine, et le médecin sera véritablement philosophe dès qu’il aura senti l’importance de ces hautes études et mesuré la pyramide de la base au sommet, après avoir parcouru tous les degrés de l’échelle, car il y a une série scientifique comme il y a une série animale, et c’est la gloire des modernes d’avoir poursuivi, puis démontré l’enchaînement et le lien de toutes les connaissances, en faisant voir comment elles procèdent les unes des autres, et se produisent successivement pour s’élever au même but, qui est la science générale, résultant de toutes les sciences. Ainsi se trouve formé le cycle qu’avaient rêvé les philosophes naturalistes de l’ancienne Grèce, alors que la science ou la philosophie, comme ils disaient, était, suivant la comparaison d’Aristote, semblable à l’enfant qui balbutie en épelant les premiers élémens d’une langue. Ces grands esprits, venus trop tôt pour la satisfaction de leurs désirs, voulaient une encyclopédie ; ils devançaient par la pensée cette œuvre lente qui a coûté à l’esprit humain plus de vingt-trois siècles de labeur et de pénibles efforts. Nous possédons aujourd’hui ce que les siècles nous ont donné, et nous avons beaucoup plus que les linéamens de l’ensemble. L’inventaire des connaissances est fait, la classification des résultats obtenus est une encyclopédie raisonnée, méthodique, qui renferme tous les élémens du savoir humain, c’est-à-dire tout ce que doit connaître le philosophe vraiment digne de ce nom, et par conséquent