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les plus avantageuses, on voyait deux petits jets de matière lumineuse en sortir de chaque côté, sans doute pour fournir de la substance à la queue, en train de s’étendre très rapidement. En dehors du noyau et de la nébulosité qui en apparence y était attachée, était un espace comparativement obscur, auquel succédaient deux enveloppes brillantes avec des bandes noires intermédiaires, et enfin à l’extrémité s’étendait un voile fin de matière diffuse qui atteignait une distance de 70,000 milles. En comptant l’axe noir et le fond noir du ciel, nous apercevions neuf changemens de lumière et d’ombre d’intensité différente. » L’observateur nous fait assister ici en quelque sorte à la génération des enveloppes ; nous les voyons s’éloigner les unes après les autres du noyau, comme feraient de grands nuages détachés de la surface de nos mers, qui s’élèveraient par couches étagées dans l’atmosphère terrestre : les jets latéraux de lumière ou aigrettes brillantes nous donnent des preuves d’émission ou d’éruption de matière cométaire plus locale. Ces descriptions ont un très grand mérite de précision, mais M. Bond les a pourtant, et avec grande raison, accompagnées d’excellens dessins. Ces images sont extrêmement précieuses et sont les meilleurs documens que l’astronomie puisse réunir pour l’histoire de ces astres errans, dont la connaissance est encore si imparfaite.

On s’est aussi occupé assidûment en Europe de recueillir des dessins de la comète de Donati ; M. Bulard notamment en a présenté de très remarquables à l’Académie des Sciences. En offrant une série de ces dessins, il faisait l’observation suivante : « Un phénomène bien digne d’attention, c’est l’espèce de phase[1] que le noyau a présentée à l’époque même où la partie médiane de la queue commençait à s’obscurcir. On sait que le noyau d’une comète n’est pas un corps solide comme la lune ou les planètes, qui offrent des phases lorsqu’elles présentent obliquement à l’observateur leur face illuminée par le soleil. La phase que j’ai constatée sur la comète de Donati ne saurait donc s’expliquer par de simples relations de position. »

La question qui vient d’être abordée a une grande importance, car elle se rattache à l’état physique du noyau des comètes. Ces centres de condensation sont lumineux ; mais le sont-ils par eux-mêmes ou ne le paraissent-ils, comme la lune et les planètes, que par la réflexion de la lumière solaire ? Si les noyaux étaient opaques et empruntaient leur éclat éphémère à l’astre central, ils devraient

  1. Quand un corps sphérique opaque reçoit sur une de ses faces la lumière solaire, l’autre moitié de ce corps reste dans l’ombre. De la terre, la partie éclairée nous apparaît sous la forme d’un croissant qui s’enfle ou diminue graduellement pendant que le corps parcourt son orbite. La lune nous offre un exemple bien familier de ce phénomène dans ce qu’on nomme ses phases.