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importantes. Il avait été convenu que les plénipotentiaires anglais et chinois se rencontreraient de nouveau à Shang-haï pour y régler les questions de douane. Lord Elgin, revenant du Japon, où il était allé conclure un traité, se trouvait à Shang-haï le 2 septembre 1858. Les commissaires chinois n’étaient point encore arrivés ; en outre, les affaires allaient assez mal à Canton, où les alliés se plaignaient des mesures prises par le nouveau gouverneur-général Houang. On avait appris que les Chinois s’occupaient activement de relever les forts de Takou. Il circulait déjà quelques bruits vagues sur les mauvaises dispositions du cabinet de Pékin pour l’exécution du traité. Ce concours d’incidens et de rumeurs était, il faut le reconnaître, assez inquiétant. Lord Elgin écrivit aux commissaires impériaux et au gouverneur de la province plusieurs dépêches où son impatience et son mécontentement s’exprimaient en termes durs et menaçans. Il exigea et obtint la destitution de Houang ainsi que la publication d’une proclamation générale annonçant la signature du traité de paix ; il écrivit une note pour protester contre l’emploi du mot barbares appliqué aux étrangers dans un décret récemment rendu à Pékin (et en même temps, dans une dépêche à lord Malmesbury, alors ministre des affaires étrangères, il doutait beaucoup que la langue chinoise eût un autre mot pour désigner au peuple les étrangers). Bref, il ne négligeait aucune occasion de morigéner les commissaires ; il s’acharnait après eux ; il s’emparait du moindre fait pour leur écrire une leçon sur le respect dû aux traités. S’il se fût permis un pareil langage envers le ministre du plus petit prince d’Allemagne, on lui eût renvoyé ses dépêches. Les représentans de l’empereur de Chine, arrivés le 4l octobre à Shang-haï, burent le calice jusqu’à la lie. Ils se rendirent à tout ce qui leur était demandé, s’excusèrent du mieux qu’ils purent, et se montrèrent très concilians pour le règlement des affaires commerciales. Puis, le 22 octobre, ils adressèrent à lord Elgin la dépêche suivante :


« L’objet d’un traité est de maintenir la paix entre deux nations par un mutuel échange de bons procédés, de telle sorte que l’une des parties ne soit pas avantagée au détriment de l’autre : à cette condition, la bonne harmonie est durable.

« Lorsque nous avons conclu à Tien-tsin un traité avec votre excellence, des navires de guerre anglais étaient mouillés dans le port ; nous étions sous la pression de la force et en proie aux plus vives alarmes. Il fallait signer le traité sur l’heure, sans le moindre délai. Il n’y avait pas à délibérer ; nous n’avions qu’à accepter les conditions qui nous étaient imposées. Dans le nombre, il s’en trouvait quelques-unes qui causaient à la Chine un tort réel, et que le gouvernement de votre excellence aurait pu abandonner sans inconvénient ; mais, pressés comme nous l’étions alors, nous n’ayons point eu l’occasion favorable pour nous en expliquer franchement.