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de la république ; sa rade l’une des plus belles du monde entier, et l’on pourrait très facilement y creuser des bassins à flot et des bassins de carénage, nécessaires aujourd’hui dans tous les grands ports de commerce. L’entré de Boca-Chica est trop étroite peut-être ; mais pourquoi ne pas nettoyer Boca-Grande, large bras de mer, qui sépare de l’île Tierra-Bomba la pointe sablonneuse du port de Carthagène ? Avant 1760, époque à laquelle le gouvernement espagnol, en guerre avec les Anglais, fit obstruer ce détroit de pierres et de sable, il offrait un chenal assez profond pour les plus grands navires. Qu’on le creuse de nouveau afin d’épargner aux embarcations le détour et les dangers de l’entrée par Boca-Chica, et Carthagène n’aura sujet d’envier aucun port du monde. Bien plus, un ancien bras du Rio-Magdalena, se détachant de ce fleuve près de la ville de Calamar, à 150 kilomètres en amont de l’embouchure, allait jadis chercher une voie plus courte vers la mer, et se déversait au village de Pasacaballos dans la rade même de Carthagène. Plusieurs compagnies, dont une anglo-américaine, se sont formées l’une après l’autre pour élargir et approfondir ce canal ou digue, en partie oblitéré. Déjà de petits bateaux à vapeur ont pénétré par cette voie dans le Rio-Magdalena ; faute d’argent, l’entreprise n’a pas encore été menée à bonne fin, mais elle ne peut manquer de l’être prochainement, et bientôt l’artère centrale de la république grenadine sera en communication constante par la vapeur avec le meilleur port des côtes. C’est aux ressources de ce genre offertes par la nature que des citoyens énergiques doivent faire appel pour relever leur ville et lui donner de nouveau le rang de capitale.

La cathédrale est le principal édifice de Carthagène, mais elle n’offre que des restes de sa splendeur passée. Les autres édifices, couvens, hôpitaux, églises, sont extrêmement vastes et occupent en étendue une grande partie de la ville ; mais ils s’écroulent, et, comme toutes les ruines, ils gagnent à être vus à distance. Aussi me hâtai-je de monter sur les remparts, d’où je pouvais en même temps contempler la mer et voir la cité sous son aspect le plus pittoresque. Les murs, peu élevés et larges de plusieurs mètres, offrent tout autour de la ville une belle promenade pavée de longues dalles de pierre. Ils sont encore solides comme autrefois, et la mer, qui en ronge lentement la base, en a détaché à peine quelques blocs ; mais les canons qui passaient leurs gueules à travers les embrasures ont disparu. Le gouvernement de la Nouvelle-Grenade, trop faible aujourd’hui pour défendre sérieusement ses ports de mer, a pris le parti de vendre les poudres et les canons de Carthagène pour une somme ronde de 120,000 piastres, et il a fait couper en morceaux les affûts, pour les distribuer aux pauvres comme bois de