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Madrid s’est résigné à prendre les engagemens qu’on lui demandait, et il les a pris par écrit, comme on le lui demandait ; il s’est obligé d’avance à n’occuper aucune position qui pourrait, dit-il, « assurer à l’Espagne une supériorité périlleuse pour la navigation ; » il s’est interdit toute conquête, tout agrandissement, et il a réservé sa liberté pour le reste, de sorte que tout considéré, à moins que, comme on l’a laissé croire un instant à Madrid, il n’y ait d’autres documens qui neutralisent jusqu’à un certain point la portée de ces engagemens et réservent d’une façon plus explicite la liberté d’action du gouvernement de la reine Isabelle, l’Espagne se trouverait engagée dans une entreprise dont elle ne pourrait attendre qu’un prix problématique. En tirant son épée, elle se serait lié les mains !

S’agit-il simplement d’infliger un châtiment aux Maures, d’obtenir des réparations ou des indemnités ? Tout cela, le plénipotentiaire de l’empereur du Maroc l’accordait avant la guerre, et même il consentait en principe à une extension de territoire nécessaire à la sûreté de la place de Ceuta. L’Espagne, il est vrai, restait sans garanties contre de nouvelles insultes, par la raison bien simple que l’empereur du Maroc n’est pas maître chez lui ; mais comment cet empereur battu pourra-t-il offrir des garanties plus sérieuses ? Et dans tous les cas n’y a-t-il pas une singulière disproportion entre l’objet de l’expédition réduit à ces termes et l’immense déploiement de forces qu’on voit en ce moment au-delà des Pyrénées ? C’est là ce que l’opinion s’est dit instinctivement, et l’opinion, qui avait pris feu au premier bruit de la guerre contre les Maures, a été subitement déçue par la divulgation des incidens diplomatiques de l’expédition. Le sentiment national, si puissant et si fier en Espagne, s’est trouvé blessé de la hauteur avec laquelle l’Angleterre a fait ses conditions et de la résignation avec laquelle le cabinet de Madrid s’est laissé dicter des engagemens si péremptoires. Ces dépêches ont fait souffrir l’esprit patriotique autant que la guerre l’avait exalté. Voilà la vérité. La situation n’en est pas plus facile pour le général O’Donnell, qui ne pourra peut-être effacer ces impressions que par de grands succès militaires et par l’imprévu, qui a sa place dans toute guerre. Il n’y a plus aujourd’hui qu’à attendre les événemens et à voir ce qui peut sortir de cette lutte, limitée d’avance dans ses effets par la diplomatie. e. forcade.



ESSAIS ET NOTICES

LES MASQUES ET BOUFFONS DE LA COMEDITE ITALIENNE[1].


Qui ne connaît ces tableaux et ces estampes du siècle dernier où la nature et les personnages sont représentés dans un état de convention qui fait d’a-

  1. 2 beaux volumes grand in-8o ; texte et dessins par Maurice Sand, gravures par A. Manceau, chez Michel Lévy.