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En somme, le Chili, eu égard à sa population, qui est vingt-deux fois et demie inférieure à celle de la France, consacre trois fois plus d’argent que nous à l’instruction publique.

Malheureusement dans les pays vastes, où une population insuffisante est disséminée, les sacrifices qu’on fait pour l’enseignement ne donnent que des fruits tardifs ; quelles que soient les libéralités et l’impatience des administrateurs, le bienfait profite à peine aux enfans isolés dans les campagnes. Le cens de 1854 accusait au Chili 152,494 individus des deux sexes sachant lire et écrire, et 194,048 sachant lire seulement. En tenant compte des progrès accomplis depuis cette époque, on peut porter à 400,000 le nombre des individus qui ne sont pas complètement illettrés. Ce n’est encore que le quart de la population totale, ou, si l’on veut, le tiers, déduction faite des enfans au-dessous de sept ans.

Le recensement de la population chilienne présente le classement des habitans par état et profession, d’une manière générale d’abord, et ensuite dans chaque localité de la république : c’est un travail des plus curieux, et j’ai regretté bien des fois que la France, malgré les dépenses qu’elle fait pour la statistique, ne possédât pas un document analogue. Qui connaîtrait avec précision la manière dont se groupent les habitans d’un pays, leurs occupations et leurs ressources habituelles ; on s’étonnerait de voir clair dans les réalités de la politique, de comprendre ces agitations, ces accidens sociaux qui nous semblent si souvent inexplicables.

La partie active de la population chilienne, c’est-à-dire les individus âgés de dix-huit à soixante-cinq ans, et exerçant une profession quelconque, donne actuellement le nombre de 630,000, dont 400,000 environ du sexe masculin[1]. Sous le titre d’agriculteurs sont compris, au nombre d’environ 115,000, tous ceux qui s’occupent d’une façon permanente de l’exploitation des terres en qualité de propriétaires, fermiers ou inquilinos (espèce de colons partiaires) ; comme auxiliaires pour les travaux rustiques, il y a un groupe de 146,000 individus sous le nom de peones, journaliers, hommes de peine ; la domesticité privée n’occupe pas plus de 30,000 personnes des deux sexes. Les commerçans proprement dits sont au nombre de

  1. Les étrangers sont compris dans ce chiffre pour 20,000 environ, et plus de la moitié sont citoyens de la république argentine ; les autres parties de l’Amérique fournissent près de 2,000 individus. Parmi les Européens, les Allemands, appelés à former des colonies agricoles du côté de I’Araucanie, sont les plus nombreux : on en compte 1,822. L’Espagne n’est plus représentée dans son ancien domaine que par 915 individus. Il y a seulement 1,934 Anglais et 1,650 Français. Les premiers sont en grande partie voués au commerce général et à l’industrie des mines. Outre des commerçans de détail au nombre d’environ 300 et une quarantaine de professeurs, la France envoie des ouvriers professionnaux de toute espèce, y compris 38 cuisiniers et 36 modistes.