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devait s’établir sur la terre entière, et les fils de Jacob en être les seigneurs spirituels et temporels. Depuis surtout que leur existence nationale leur parut liée à celle d’une royauté dont le règne glorieux de David, encore embelli par le prestige de l’éloignement, était devenu le type populaire, les Israélites conclurent du royaume de Dieu qui devait s’établir au roi divin qui devait venir et reprendre l’œuvre à peine ébauchée de David et de Salomon. Il est évident que l’énergie et le caractère absorbant de cette foi dans la destinée du peuple retardèrent plus qu’ils n’avancèrent la croyance en l’immortalité des individus. Ce fut seulement lorsque le sentiment de la vie et des droits de l’individu eut emprunté aux malheurs nationaux une consistance auparavant inconnue, après qu’une douloureuse expérience eut montré que l’individu devait encore vivre et bien vivre lors même que la nation n’était plus, ce fut seulement après la captivité babylonienne que la croyance en une autre vie prit corps dans la religion d’Israël. Naturellement une telle croyance ne fut pas le fruit de raisonnemens abstraits qui auraient été et ont toujours été incapables de la fonder. Née d’un sentiment vivace et parfaitement légitime, elle se greffa d’elle-même sur les autres croyances qui dès les plus anciens temps avaient cherché à définir l’état d’outre-tombe. Pendant que le corps retournait à la terre d’où il avait été tiré, l’âme se rendait dans un lieu souterrain où s’accumulait successivement l’humanité défunte, et y dormait d’un sommeil égal pour tous, méchans et bons, mais qui pourtant, il faut le remarquer, n’était pas l’anéantissement et laissait toujours subsister la possibilité du réveil.

Plus tard, le peuple juif, parvenu à la notion distincte de l’individualité, sentit que l’établissement du règne messianique ne pouvait pas favoriser uniquement une seule génération des descendans de Jacob, que la promesse antique avait été faite à Abraham et à toute sa postérité, et qu’il y aurait contradiction à combler de bénédictions les derniers arrivés, à l’exclusion de leurs aînés, qui avaient enduré les douleurs du long enfantement. La croyance devint donc générale que, lors des temps messianiques, les âmes quitteraient leurs demeures souterraines et reprendraient leurs corps d’autrefois pour participer aux triomphes de la race élue. La vie éternelle, la rémunération, le jugement divin qui devait récompenser les bons et frapper de peines terribles les ennemis anciens et nouveaux d’Israël et même les membres indignes du peuple, se rattachèrent sur-le-champ à la foi en la résurrection, et ce fut sous cette forme toute naïve, tout enfantine, que la vie future fut comprise à l’époque où le christianisme apparut.

Le christianisme n’opposa pas une théorie nouvelle à l’ancienne :