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les vices de la méthode à tire et aire, on n’y vit en France d’autre remède que l’abatage à blanc étoc, l’ésouchement et le repeuplement artificiel par voie de semis ou de plantations. Le mouvement imprimé en ce sens fut même fort remarquable, et sous cette influence, des repeuplemens considérables furent exécutés dans la plupart des bois du roi. C’est de cette époque que datent les immenses plantations de chênes purs effectuées par M. Papnelier d’Annel dans les forêts de Fontainebleau, Compiègne, Saint-Germain, et autres des environs de Paris. C’est à ces travaux, dont l’importance nous effraie aujourd’hui, que l’on doit la conservation de ces masses imposantes.

En Allemagne, la méthode du jardinage généralement en vigueur était depuis longtemps condamnée, comme chez nous la méthode à tire et aire, par tous les praticiens intelligens ; de tous côtés, on cherchait à substituer à cet enlèvement des arbres épars, arrivés à maturité, un système plus rationnel, qui entraverait moins la marche de la végétation et diminuerait les dégâts que ces extractions multipliées causaient au peuplement, quand Hartig découvrit la théorie des coupes de régénération. Reliée à celle des coupes d’éclaircie et publiée par lui en 1791, elle donna naissance à cette méthode si belle et si simple que nous avons exposée en commençant. Elle opérait une révolution fondamentale qui marquait une ère nouvelle dans la sylviculture. Son but bien défini, était d’élever sur une surface donnée le plus grand nombre possible d’arbres les mieux conformés et les meilleurs, en assurant la reproduction indéfinie de ces arbres par le réensemencement naturel. La méthode des coupes de régénération se répandit rapidement, grâce aux leçons et aux ouvrages de Hartig, de Cotta et de tant d’autres. Entre tous, il faut citer M. le docteur Pfeil, directeur de l’école forestière de Prusse, qui s’adonna surtout à l’étude des procédés matériels d’exécution. Son ouvrage, Die Forstwissenschaft nach einer praktischen Ansicht, écrit avec une grande clarté et une grande précision, choses rares chez un Allemand, renferme à ce point de vue les renseignemens les plus complets ; il contribua puissamment à vulgariser des doctrines qui reçurent bientôt une application générale. L’Allemagne ne fut point ingrate envers Hartig ; promu pendant sa vie au poste éminent de grand-maître des forêts en Prusse, il reçut après sa mort le plus bel hommage qu’un forestier pût désirer. Une souscription ouverte en Allemagne, en France et en Pologne permit d’élever à sa mémoire un monument dans la forêt de la Faisanderie, près de Darmstadt[1].

  1. Ce monument porte, en allemand bien entendu, une inscription dont voici la traduction littérale : « À la mémoire du dr G. L. Hartig, — né à Glandenbach, dans la Haute-Hesse, — le 11 septembre 1744 ; — mort à Berlin, — comme grand-maître des forêts de Prusse, — le 4 février 1837 ; — ses élèves et admirateurs — d’Allemagne, de France et de Pologne. — 1840. »
    Cette inscription est accompagnée de quelques vers qui rappellent les titres de Hartig à la reconnaissance de la postérité. On a essayé de la traduire en français ; nous en citons le début et la fin :

    Ici, dans la forêt aux ombres verdoyantes
    S’élève un monument qui nous parle de toi,
    De toi, dont les leçons, à tous encor présentes,
    Nous serviront toujours de précepte et de loi.
    Voyageurs, honorons la mémoire du maître
    Et gloire au grand Hartig ! Nous lui devrons peut-être
    Qui fut de nos forêts le régénérateur.
    Le salut du pays, la vie et le bonheur.

    Voyez, dans les Annales forestières, novembre 1858, Souvenir d’une excursion en Allemagne, par J. Chalot.