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que l’abondance du liquide peut au contraire activer singulièrement. En partant de ces données, M. Chevandier se demanda si les irrigations, dont on connaît la puissance en agriculture, ne pourraient pas être appliquées avec avantage à la culture des forêts. Les expériences qu’il entreprit, suivies avec le plus grand soin pendant plusieurs années, furent l’objet d’un mémoire adressé à l’Académie des Sciences en 1844. Il résulte des chiffres indiqués que des irrigations bien entendues, effectuées dans une forêt, pourraient en, augmenter la production ligneuse dans le rapport de 1 à 7, et le revenu en argent dans le rapport de 1 à 12. Ces résultats sont si extraordinaires qu’on serait tenté de les croire erronés, s’il n’avait en quelque sorte été donné à tout le monde d’en vérifier l’exactitude. Un des faits qui ont le plus vivement frappé les hommes spéciaux à l’exposition universelle de 1855 fut le résultat obtenu par M. Chambrelent de Bordeaux. Il n’avait rien qui attirât les regards ; c’étaient quelques pieds de chênes et de pins maritimes relégués dans un coin de l’annexe agricole : pauvre spectacle pour des yeux éblouis encore par les merveilles du palais principal et les splendeurs de la rotonde ! Cependant ces arbres étaient un prodige de végétation, car ils n’avaient que quatre ans, et à leurs dimensions ils paraissaient en avoir quinze. Ils n’avaient pas moins de 5 à 6 mètres de haut et de 25 à 30 centimètres de tour. Ils provenaient de plantations effectuées dans les landes de Bordeaux, dans lesquelles des irrigations bien conduites avaient produit cette croissance extraordinaire. Le jury apprécia du reste comme elle le méritait cette heureuse tentative, et fit décorer l’exposant.

M. Chevandier ne s’arrêta pas en si beau chemin : il lui restait à vérifier l’influence des sels minéraux sur le développement des bois. Il étudia à cet effet, pour des essences diverses, l’action de vingt-deux substances différentes, destinées à agir les unes comme sources d’azote, les autres comme élémens minéraux, d’autres enfin comme agens spéciaux. Il constata ainsi que quelques-unes seulement peuvent être employées avec succès en sylviculture, notamment l’oxysulfure de calcium, le chlorhydrate d’ammoniaque et les cendres de bois ; mais il pense que l’emploi de ces substances doit en général se restreindre aux jeunes bois, parce que la dose nécessaire pour des parties plus âgées cesserait de le rendre profitable. Dans certains cas cependant, ces amendemens pourraient être exécutés presque sans frais : ainsi les cendres résultant de la combustion des débris des exploitations forestières répandues sur le sol après la coupe augmenteraient la production ligneuse de 20 pour 100. On pourrait également, dans le voisinage des fabriques de soude, tirer un parti avantageux des résidus encombrans et insalubres de cette industrie.