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avec le plus d’intensité, c’est-à-dire les mois d’août et de septembre, coïncident avec l’époque où l’évaporation est la plus forte et où l’atmosphère est par conséquent plus chargée d’ammoniaque.

Ces faits expliquent l’insalubrité de la Dombes, cause première du défaut de culture et de population ; mais M. Dubost fait remarquer que les vices du sol et du climat sont loin d’être invincibles. Depuis quelques années, un service spécial d’ingénieurs a été organisé aux frais de l’état pour le curage et l’élargissement des rivières ; quelques années encore, et le plus grand danger des pluies excessives sera conjuré. En même temps, d’heureuses expériences ont démontré que, sur beaucoup de points, le drainage tubulaire réussit parfaitement ; sur d’autres, des défoncemens et des labours profonds ont amené une amélioration sensible. Le sol arable contient une dose de calcaire très faible et insuffisante pour entretenir une forte végétation ; mais la couche de gravier calcaire qui soutient le sous-sol peut être utilisée pour des marnages dans le voisinage des points d’affleurement. La Dombes est d’ailleurs entourée de pays calcaires, où la chaux se fabrique pour l’exportation. On peut s’y procurer aujourd’hui la chaux à raison de 1 fr. 25 c. l’hectolitre.

Malheureusement l’insalubrité naturelle de la Dombes a été fort accrue par une cause artificielle qui se retrouve dans d’autres parties de la France, mais qui n’a pris nulle part un aussi grand développement : c’est l’établissement de nombreux étangs. Ainsi que tous les hommes fortement convaincus, M. Dubost exagère l’influence des étangs en les présentant comme la cause unique de l’insalubrité : à coup sûr, il ne se trompe pas en leur attribuant une action pernicieuse sur la santé et la force des habitans. Si ce n’est pas la seule cause du mal, c’est une des plus puissantes.

La population de l’arrondissement de Trévoux est, d’après le recensement de 1856, de 90,000 habitans, ou 61 en moyenne par 100 hectares ; mais la répartition de cette population est très inégale : extrêmement dense sur les bords de la Saône, du Rhône et de l’Ain, elle va en se raréfiant à mesure qu’on se rapproche du centre. La population de la Dombes d’étangs proprement dite est de 25,000 habitans sur une surface de 76,000 hectares, ou de 33 en moyenne par 100 hectares. Considérée en elle-même, cette population dépasse celle des grandes Landes, de la Sologne, de la Brenne, des cantons montagneux de la Lozère et des Alpes ; mais M. Dubost fait remarquer qu’elle ne s’accroît pas naturellement par l’excès des naissances sur les décès, et qu’elle ne s’entretient que par une immigration constante des pays voisins. Attirés par l’appât de salaires élevés, les travailleurs des environs viennent volontiers s’y établir, bien qu’ils paient tous un large tribut à ce climat inhospitalier. D’après d’autres renseignemens, il y aurait en Dombes un excédant régulier de naissances sur les décès, mais si faible qu’il ne contrarie pas l’assertion de M. Dubost. La durée moyenne de la vie est de vingt-huit ans, c’est-à-dire équivalente à la moyenne nationale avant 1789 et inférieure à peu près d’un tiers à notre moyenne actuelle ; dans quelques communes, elle n’est que de dix-huit à vingt ans.

Pendant qu’un bon valet de ferme se contente d’un gage de 200 fr. dans les pays environnai, il n’exigera pas moins de 300 à 350 fr. en Dombes, et