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relle, comme la grâce la nature, et la perfection le perfectible ? » Ce n’est donc menacer aucune croyance que de chercher à fonder par la raison celle qui soutient toutes les autres, et l’intérêt le plus légitime s’attache aux travaux récens inspirés par un sujet éternellement nouveau. Dieu est pour le moins aussi vieux que le monde, et cependant le monde doit continuer de faire effort pour le connaître sous peine de renoncer à se connaître lui-même. Ce sera toujours le plus digne emploi des forces de l’esprit humain que de rétablir incessamment son droit de croire en Dieu contre ceux qui le lui disputent, et qui veulent lui couper les ailes sous prétexte de briser ses fers. Dans chaque pays, à toute époque, cette vérité si haute et si vulgaire prend la forme d’une question, sans cesser d’être attestée par le commun langage, et cette forme suit dans ses variations l’état des esprits et des sciences. Les doutes n’ont pas toujours la même origine ni la même expression, les argumens doivent se modifier avec les objections, ou bien, sous la diversité des mots et des sentimens, il est bon de montrer un fonds immuable de lumière et d’obscurité qui tient aux conditions, du problème. Là aussi il y a du permanent et du passager. Ce qui persiste, c’est la vérité à connaître; ce qui varie, c’est la connaissance de la vérité. En France par exemple, la politique dispose en grande partie de la religion et de la philosophie; l’une ou l’autre est en crédit suivant que la politique est à l’espérance ou au découragement. De là les vicissitudes des choses éternelles. Cependant éternelles sont les vérités fondamentales, et la raison, en y revenant sans cesse, remonte à sa source et revendique son privilège de naissance. Il peut donc être utile et il est toujours à propos d’observer le mouvement et le résultat des études concernant les principes de toute religion dans les sociétés les plus éclairées. En Angleterre, la préoccupation n’en est jamais interrompue, et la théologie naturelle y est une science classique qui n’est pas négligée un instant. Elle y est regardée comme indispensable à la théologie chrétienne, qui sans elle languirait. Sans insister sur les rapports de l’une et de l’autre théologie, surtout sans nous engager dans les nuages de la haute métaphysique, nous voulons essayer de ramener l’attention des lecteurs sur l’état réel des recherches de théodicée, et montrer que les travaux de la science correspondent aux idées les plus simples, les plus usuelles, dans lesquelles tout le monde a été élevé.


I.

Je voudrais donc d’abord, non pas exposer philosophiquement, mais raconter comment nous sommes amenés dans la vie réelle à