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a dans le christianisme des vérités plus générales, je veux dire plus généralement connues, puisqu’elles sont communes à l’orthodoxe, à l’arien, au déiste, même au païen ou au mahométan éclairé. Ces notions que le christianisme enseigne sans les discuter ni les démontrer sont par exemple celles-ci : Dieu est un esprit, — Dieu est parfait, — Dieu est le créateur du monde.

Ces notions chrétiennes, se rencontrant aussi dans certaines théodicées philosophiques, sont donc aussi des notions de la raison, de la pure raison; car apparemment aucune sensation, aucune expérience ne nous les suggère. Pour que Dieu soit créateur, il faut que tout ait commencé; or c’est dans l’esprit humain seulement que nous pouvons trouver cette idée, soit comme principe démontré, soit comme croyance naturelle. Il n’est certes pas moins vrai que ni la perfection, ni la notion d’un pur esprit n’ont été dérivées d’une expérience actuelle, et la raison seule est capable de pareilles conceptions. Si donc il était possible de fonder l’existence de Dieu sur une de ces idées, par exemple sur celle de sa perfection, cette démonstration ne serait point, comme la preuve tirée de l’ordre du monde ou du consentement universel, dérivée d’un fait d’expérience ou de perception directe, une preuve a posteriori. Elle pourrait par conséquent être à un certain point qualifiée de preuve a priori. Toutes les preuves de ce genre, étant puisées directement dans l’esprit humain, ont plus ou moins ce caractère général de tirer de l’idée de Dieu l’existence de Dieu.

C’est surtout à Descartes, comme chacun sait, qu’il faut recourir pour connaître ce genre de preuves. Il en a donné deux distinctes qu’on a confondues à tort, et dont la meilleure est celle où il fait entrer l’idée de cause. Elles ont été si souvent exposées qu’il est inutile d’y revenir. Rappelons seulement que la principale de ces preuves n’est pas entièrement originale, et qu’on pourrait en rechercher le type initial dans saint Anselme, dans saint Augustin et jusque dans Platon ; ajoutons que la preuve ou les preuves de Descartes ne sont pas les seules qui aient été dites a priori ; plus d’une fois à tort ou à raison, on a cru pouvoir démontrer l’existence de Dieu par sa nature même, ce qui est le propre de ces sortes de démonstrations. Or comme la nature de Dieu n’est pas objet d’expérience, mais notion purement rationnelle, c’est donc toujours à l’idée de Dieu qu’il a fallu revenir pour remonter jusqu’à lui, et tel est en effet le procédé cartésien, et malheureusement pour Descartes, le procédé cartésien a été celui de Spinoza. Le danger de la preuve par l’idée de Dieu, c’est le spinozisme. Je rappelle le danger pour qu’on ait soin de l’éviter.