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des causes finales, l’adaptation réciproque du Cosmos et de l’esprit humain, et cette nouvelle considération de l’unité écarte l’idée d’une matière préexistante et première indépendante de Dieu.

Une fois la conviction obtenue que la finalité est la loi du monde, nous pouvons, nous devons supposer que toute chose a une fin, même quand cette fin nous est inconnue. C’est la réponse qu’il faut faire aux objections tirées de l’existence du mal contre celle de Dieu. Nous connaissons trop peu l’ordre pour affirmer que le mal n’ait pas sa raison. Mais il n’est pas nécessaire de tout connaître pour se fier à l’idée de cause, c’est-à-dire à l’un de ces principes impérieux que le scepticisme seul peut méconnaître. En vertu de ce principe et d’autres semblables, nous reconnaissons dans l’univers et ses phénomènes l’existence et l’ordre, la cause de l’existence et de l’ordre, quelque chose enfin de la nature même de cette cause. Cette théologie fondamentale repose sur une philosophie de l’esprit humain qui n’est plus contestée.

Cependant l’athéisme existe, et même il a fait de récens progrès, que M. Buchanan date de la révolution française, car avec saint Paul il appelle athée quiconque vit sans Dieu. Aussi compte-t-il dans l’athéisme quatre doctrines assez différentes : celle qui soutient d’après Aristote l’éternelle existence du Cosmos dans sa matière et dans sa forme, puis celle qui, en admettant le commencement du monde, lui présuppose, d’après Épicure, l’éternité de la matière et du mouvement, puis encore celle qui tient Dieu et le monde pour coéternels, le premier ayant la supériorité non l’antériorité, ou la doctrine stoïcienne; enfin le panthéisme. La seconde de ces hypothèses peut se combiner avec une théorie de développement qui a reçu des emplois bien divers. Tantôt, appliquée à l’univers physique, elle le fait sortir par degrés d’un état nébulaire supposé par Herschell et adopté par Laplace; tantôt, confondant comme Oken la physique et la physiologie, elle change l’atome en un point infusoire qu’elle élève peu à peu à l’organisation, à la végétation, à la vie, à la sensibilité; tantôt encore, prenant la marche de l’humanité pour le mieux connu des progrès, elle distingue trois états nécessairement successifs de l’esprit et de la société, le théologique, le métaphysique, le scientifique, et c’est alors le positivisme d’Auguste Comte; tantôt enfin elle s’étend à la religion elle-même, et la représente comme progressive avec les âges, en sorte que l’inspiration primitive aurait besoin des efforts de l’humanité pour que les vérités révélées s’éclaircissent et s’épurent. Cette dernière théorie, qui paraît celle du père Newman, une des lumières du catholicisme anglais, est rapprochée des systèmes d’athéisme, parce qu’en accordant au temps le pouvoir de modifier l’idée de la Divinité, elle tend à obscurcir et à ébranler le fondement de la théologie naturelle.