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pris à cette époque par les personnes même familières avec la mécanique, a, de nos jours seulement, reçu de nombreuses et très utiles applications. Par ses expériences, Stephenson put se convaincre de l’inutilité des efforts de ceux qui cherchaient à faire circuler de lourdes machines à vapeur sur les routes ordinaires, où les pentes atteignent des inclinaisons trop fortes. Il comprit que les locomotives y rencontreraient des résistances insurmontables, et qu’il était de toute nécessité de tracer pour ces nouveaux moteurs des voies d’une perfection géométrique, aussi rapprochées que possible de l’horizontalité parfaite. Cette conviction ne s’effaça jamais de son esprit, et le guida plus tard, toutes les fois qu’il dut tracer le parcours d’un chemin de fer. A l’époque où il tenta ses premiers essais, les erreurs les plus étranges étaient répandues sur ce sujet, que son bon sens pratique élucida si rapidement. Tout le monde alors par exemple croyait qu’une locomotive ne pourrait rouler que sur une surface rugueuse, et qu’elle trouverait plus d’adhérence sur une route caillouteuse que sur des rails métalliques et polis. On démontrait très savamment que, sur de semblables barres de fer, les roues tourneraient sur elles-mêmes sans avancer. Pendant ce temps les machines de Stephenson n’en parcouraient pas moins le chemin de fer de Killingworth ; mais cette belle expérience restait à peu près inconnue. Killingworth était trop loin de Londres pour attirer l’attention de la Société royale ou même des grands ingénieurs en renom. L’obscurité de Stephenson, son humble extraction, sa modestie même, l’isolaient encore plus que la distance.

Stephenson songeait de nouveau à émigrer aux États-Unis : en voyant les premiers bateaux à vapeur monter et descendre la Tyne, il avait conçu l’idée d’introduire la navigation à vapeur sur les grands lacs de l’Amérique du Nord. Il ne donna heureusement pas suite à ce projet, parce qu’on vint lui demander de construire, de la mine de Helton aux bords de la Wear, près de Sunderland, un chemin de fer du développement, alors inusité, de huit milles. La nature très accidentée du terrain ne lui permit point de faire une voie entièrement horizontale, et il dut combiner des paliers horizontaux avec de longs plans inclinés : les premiers étaient desservis par des locomotives, les seconds par des machines fixes, remorquant les trains à l’aide d’un câble. Le jour où le chemin de fer fut inauguré, tous les gens du pays virent avec stupéfaction le cheval de fer remorquer, avec une vitesse de quatre milles à l’heure, un train composé de dix-sept wagons et pesant soixante-quatre tonnes.

Pendant l’année 1817, un quaker, M. Pease, forma avec quelques- uns de ses amis et coreligionnaires le projet d’établir une ligne de chemin de fer de Stock ton-sur-Tees à Darlington, centre d’un riche district houiller : on commença les premières études; mais quand