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teur Baillarger a cité l’exemple d’un jeune homme qui tombait en épilepsie dès qu’en lisant, un mot venait à l’embarrasser et provoquait de sa part plus d’attention que de coutume. Une trop vive impression sur la rétine produit le même effet, et le docteur Piorry a rapporté qu’une jeune fille devint épileptique pour avoir regardé fixement le soleil. Ainsi que l’a fait observer un célèbre physiologiste italien, M. Tigri, dans une note adressée récemment à l’Académie des Sciences, les procédés mis en usage par les magnétiseurs ont les mêmes effets que l’hypnotisation, puisqu’on prescrit au patient de tenir le regard constamment dirigé sur les yeux du magnétiseur, placé ordinairement plus haut que lui, attendu qu’il est debout, et le magnétisé couché ou assis. Cette attitude détermine chez le dernier un strabisme convergent prolongé, qui, joint à l’attention qu’on lui recommande de garder, le jette dans un état de vertige identique à celui qu’ont obtenu Braid et ses imitateurs, vertige qui a pour conséquence la catalepsie.

Les pratiques mises en usage pour magnétiser ne sont donc point illusoires; elles ont leur effet, mais cet effet ne se produit pas de la manière que supposent les défenseurs du magnétisme animal. Toute la vertu qu’elles possèdent tient à ce qu’elles déterminent une attention excessive, qui aboutit, chez des organisations nerveuses délicates, à un état hystérique ou cataleptique. Voilà pourquoi il n’y a de sujets propres à être magnétisés que ceux qui sont facilement impressionnables ou dont les nerfs sont déjà malades. L’hypnotisme ne réussit aussi que chez les personnes de pareille constitution. Les anesthésiques même n’agissent pas également sur tous les tempéramens, et il est des personnes complètement rebelles à l’action de l’éther et de l’amylène. Si l’impressionnabilité est telle que le regard suffise à provoquer le vertige, quand ce regard est, comme celui de l’abbé Faria, doué d’une vivacité et d’une force qui troublent ou effraient, l’œil du magnétiseur jouera le même rôle que le porte-lancette ou la plaque de métal poli. C’est ce qui paraît avoir eu lieu pour les religieuses de Loudun; le regard d’Urbain Grandier les jetait hors d’elles-mêmes, et tous les phénomènes de la catalepsie et de l’hystérie se déclarèrent chez elles une fois qu’elles* eurent longtemps contemplé sa figure, sous l’empire d’un mélange de frayeur ou d’amour bien fait pour bouleverser leur faible imagination.

Ajoutons qu’une fois la maladie nerveuse déclarée, elle se propage par imitation. Tous les médecins savent que les affections de ce genre sont contagieuses pai* la vue seule. L’épilepsie, l’hystérie, la folie se gagnent de la sorte. Hecker a écrit l’histoire de ces curieuses épidémies, qui se sont surtout développées sous l’influence des croyances superstitieuses, et dont le docteur Calmeil a tracé un