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Paris, de vaincre la concurrence sérieuse qui est faite au chemin de fer par la route de terre. Quant au transport des choses, ce maximum légal est seulement usité pour les petites distances et les marchandises chères; comparativement fort élevé, il ne permettrait pour ainsi dire aucun trafic. Ce résultat n’avait pas précisément été prévu à l’origine, et il est curieux de voir combien, lorsque les enseignemens de l’expérience faisaient tout à fait défaut, il était difficile de prévoir l’avenir.

Dans le principe, les voies ferrées en France avaient été considérées comme devant être essentiellement affectées au transport des voyageurs; relativement aux marchandises, les esprits hardis admettaient qu’à la rigueur celles qui, par un faible poids et une grande valeur, auraient besoin d’une vitesse un peu considérable et pourraient supporter des prix élevés fourniraient seules un élément de trafic aux nouvelles voies de communication. Les premiers de nos chemins de fer, ceux de Saint-Etienne à la Loire et au Rhône, qui avaient été exclusivement construits pour le transport de la houille, et dont l’acte de concession avait d’ailleurs complètement passé sous silence tout autre transport, étaient regardés comme une exception motivée par le riche bassin houiller qui en avait déterminé la création. Tandis qu’aujourd’hui les adversaires des voies ferrées semblent ne se préoccuper que d’un abaissement excessif des prix perçus par les compagnies, le public expéditeur n’avait alors d’autre crainte que la trop grande élévation de ces prix.

Il n’a pas fallu moins de quinze ans pour que l’hypothèse d’une diminution du maximum légal fût constatée officiellement dans un cahier des charges, celui de la concession de la ligne de Strasbourg à Bâle (1838); en même temps apparaissait le principe fondamental de la législation de nos tarifs de chemins de fer, celui de l’homologation administrative des changemens de tarifs. Dans l’origine, c’était le préfet qui donnait cette homologation, aujourd’hui c’est le ministre qui l’accorde ; mais en principe ce libre arbitre que les compagnies ont longtemps prétendu revendiquer en matière d’exploitation commerciale leur avait été immédiatement refusé. C’est donc avec étonnement que, dans les procès-verbaux de l’enquête faite en 1850 au sein du conseil d’état, on lit certaines réponses de quelques administrateurs de chemins de fer, dont l’un, M. Em. Péreire, s’exprimait ainsi : « J’ai toujours compris que le droit d’homologation consistait uniquement dans la constatation de ce fait matériel, que les compagnies se sont renfermées dans les limites extrêmes des tarifs. Il serait puéril en effet que l’on reconnût aux compagnies le droit d’agir, pour les empêcher ensuite d’en user dès qu’elles y seraient disposées. Quand on parle du maximum, on entend établir une limite extrême,