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haute, d’après laquelle la seule expiation demandée est le repentir, le repentir et la soumission. — Repentez-vous... Allez, et ne péchez plus !... Il me semble, pour autant que j’en peux juger et comprendre ce que je lis ici, — je tenais encore ma bible en mes mains, — que dans tout le Nouveau-Testament et dans plusieurs portions de l’Ancien, une doctrine se fait jour, qu’on ne saurait méconnaître : savoir qu’un péché, si grand qu’il soit, suivi de repentir et de rémission, est aux yeux de Dieu, — et devrait être aux yeux des hommes, — pardonné, aboli, effacé à tout jamais.

« — Que Dieu vous entende et vous bénisse ! dit le docteur, et il me quitta brusquement... C’était la seconde fois qu’il appelait sur ma tête les bénédictions du ciel. »


La même question, soulevée en présence du père de Dora, provoque une déclaration de principes beaucoup plus sévère. Le digne ministre n’est pas de ceux qui pactisent avec les doctrines nouvelles, et le souvenir de la mort de son fils ajoute à l’inflexibilité de son orthodoxie ; mais tandis que, sans le savoir, il élève entre lui et cet homme qu’il a pris en gré, qui l’a secouru à l’heure du péril, qui peut-être lui a sauvé la vie, des barrières presque infranchissables, le sort semble prendre à tâche de rapprocher Max et Dora, qui, dévorée de fièvre, dépérit lentement, tristement, sous les yeux du docteur épouvanté. Elle est découragée, dégoûtée de la vie, sans oser se dire à elle-même que son mal est de ceux que l’amour cause et que l’amour guérit. Elle le comprend enfin le jour où Max laisse échapper avec une sorte de colère sourde, — la colère de l’homme de cœur qui manque aux engagemens pris vis-à-vis de lui-même, — le secret de l’attachement profond qu’elle lui a inspiré : curieuse conversation en vérité que cette gronderie austère à la suite de laquelle le médecin prend tout à coup dans sa main celle de sa malade. — Jamais, dit-il, je n’ai vu main si frêle et si mince... Nous disons bien,... si nous ne nous revoyions plus,... il est convenu que vous vous souviendrez de ce qui a été dit. Vous ferez votre possible pour vous rétablir complètement,... de manière à être heureuse,... à être utile aux autres. Vous ne ferez plus fi de votre vie;... il y en a beaucoup de plus dures à supporter... Vous aurez patience, vous aurez foi, vous aurez bon espoir, comme il convient à une jeune personne si aimée de... tous. C’est entendu, c’est promis, n’est-ce pas? — C’est promis. — Adieu donc! — Adieu.


« S’il prit mes mains ou si je les lui donnai, je n’en sais vraiment rien, mais je les sentis tout à coup pressées contre sa poitrine. Et il me regardait comme s’il ne pouvait se résoudre à me quitter, ou comme s’il lui restait quelque chose à me dire auparavant; mais au moment où je levai les yeux sur lui, tout parut s’éclaircir entre nous sans qu’un seul mot eût été prononcé. Il n’articula que ces quatre mots : — Est-ce là ma femme? — Oui, répondis-je. — Alors... il m’embrassa. »