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sous de zéro. L’usage du traîneau, si commode pour voyager dans un pays où les fleuves et les étangs gèlent, où les routes ne présentent pas d’obstacles résistans comme des pierres, n’est guère possible que dans les deux premiers mois de l’année, et encore, si le dégel survient brusquement, les voyageurs sont-ils exposés à revenir en voiture quand ils sont partis en traîneau. Il y a sous ce rapport une grande différence entre le climat de la Petite-Russie et celui de la zone voisine au nord : à Moscou, situé sur le 55e parallèle, le traînage a lieu sans interruption pendant toute la durée de l’hiver; aussi les habitans de la Russie méridionale envient-ils cette facilité de transport, que remplacera bientôt l’établissement des chemins de fer.

Le 50e degré de latitude se trouve au centre de la région botanique la plus favorable à la culture des céréales. Toutes les semailles d’hiver sont ordinairement terminées au 1er septembre. La Russie méridionale ne possède pas une seule plante qui soit inconnue à la flore parisienne; mais beaucoup d’espèces acquièrent une force et un développement étrangers aux végétaux de notre climat. Toutefois les arbres ne répondent point, dans la région des terres noires, à la vigueur des plantes herbacées; on n’y rencontre pas ces beaux chênes qui croissent en Allemagne ou dans nos départemens du nord et de l’est; les sujets les plus anciens sont rabougris, noueux, presque découronnés, et ils n’atteignent pas une grande élévation. La cause de ce phénomène est sans doute dans l’imperméabilité du sous-sol, qui ne ressemble en aucune façon à la couche superficielle si féconde, et renferme des sables argileux souvent dépourvus de calcaire. Les conifères et arbres à racines horizontales composent seuls de magnifiques forêts.

Telles sont les conditions du pays et du climat; quant aux habitans, on va les mieux connaître en se plaçant dans les villes et les villages qui çà et là rompent l’uniformité de ces vastes plaines.


II. — LA POPULATION.

Presque tous les villages de la région des terres noires ou Petite-Russie appartiennent entièrement à des propriétaires; la couronne en possède moins que dans le nord. Chaque village ne présente ordinairement que deux issues ; un fossé assez profond entoure tout le groupe des habitations. Un poteau placé à chacune des extrémités indique le nom du village et celui du seigneur. Pendant la saison d’été, tant que la terre est couverte de récoltes, un gardien, abrité près d’une de ces issues par une hutte en paille, surveille l’entrée et la sortie, et prévient les dégâts que pourraient causeries animaux dans