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L’habitant de la Petite-Russie offre le type d’une belle race ; il a la taille moyenne, les cheveux blonds ou châtains, la démarche un peu lourde. Les vieillards portent toute la barbe ; les jeunes gens ne laissent pousser que les moustaches. On ne rencontre point parmi les habitans de cette région l’affreux type kalmouk, ces narines ouvertes, ce nez camard et effacé, qui rappellent les peuples barbares de l’Asie. Le costume national se compose d’une jaquette en étoffe de bure brune, sans boutons, serrée à la taille par une longue ceinture rouge ou verte, d’un pantalon de toile blanche dont les fonds descendent au milieu des cuisses comme les culottes des zouaves, et dont les extrémités sont recouvertes par de larges bottes. La coiffure est ordinairement un bonnet de peau d’agneau noir et rond. En hiver, le cojouk, espèce de cafetan en peau de mouton, remplace la jaquette d’été; le pantalon est encore de toile, mais les jambes sont enveloppées avec des pièces de laine qui garnissent les bottes. Le linge est grossier, mais soigneusement entretenu. Par-dessus les autres vêtemens se met encore le kobéniak, qui est muni d’un capuchon percé de deux trous pour les yeux. La physionomie du paysan change du reste avec les saisons; l’exercice en plein air, la salutaire activité de la vie rurale, donnent au travailleur pendant l’été une apparence de contentement et de bien-être. En hiver, quand le froid engourdit le sang et les membres, le Petit-Russien s’enveloppe de son cojouk, se coiffe de son bonnet épais et fourré, et s’il soulève une pièce de bois, ses mains, couvertes d’énormes mitaines, semblent paralysées[1].

Les paysannes de la Petite-Russie ont un costume pittoresque qui appartient plutôt à l’Asie qu’à l’Europe; on se rappelle ces vieilles images de l’art byzantin, où les vierges sont ornées d’une coiffure en cerceau. En été, les jeunes filles se parent de fleurs et de rubans de couleur éclatante; elles savent ajuster avec art les feuilles, les épis, les baies de quelques fruits rouges comme le sorbier, dans leur chevelure, dont les nattes sont relevées en couronne ou descendent sur les épaules. Le bandeau virginal, de couleur rouge, se place sur le sommet de la tête comme un diadème. Un collier de perles, de corail ou de verroterie tourne au moins douze fois autour de leur cou en dessinant un croissant; on y suspend des médailles reli-

  1. On distingue aisément ce rude travailleur des paysans de la Grande-Russie, amenés en nombreuses bandes dans les terres noires à certaines époques qui réclament un supplément de bras. Le costume du Grand-Russien consiste en un bonnet de feutre blanc, une jaquette de même couleur, et la chaussure est invariablement faite d’écorces de tilleul serrées autour des jambes par des cordes grossières. Le caractère est généralement plus apathique. Les propriétaires du nord de la Russie expédient ces nègres blancs par centaines pendant la belle saison, et le prix de location de ces sujets constitue le profit exclusif du seigneur.