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tacle grandiose. Les fertiles contrées de la Beauce et de la Brie ne peuvent donner qu’une faible idée de l’immense étendue de ces cultures. Elles sont encore soumises, pour la plupart, à l’assolement triennal. Il serait injuste de méconnaître les services que la simplicité et la régularité de cet assolement ont rendus à l’agriculture pendant quatre siècles ; c’est de tous les systèmes, non pas le plus productif, mais celui qui demande le moins de travail et qui assure le rendement le plus uniforme. L’introduction de l’assolement triennal joua un grand rôle dans la vie des peuples à une époque où la valeur des engrais n’était pas connue; s’il tend aujourd’hui à disparaître devant les progrès de la science et les besoins croissans des nations, il n’en est pas moins le seul raisonnable dans les pays arriérés, où une mauvaise méthode vaut encore mieux en définitive que l’absence de toute méthode.

On sème dans les terres noires les céréales d’hiver plus tôt qu’en France; dès que les moissons sont terminées, vers le milieu du mois d’août, la charrue se promène sur les jachères, qui ont déjà reçu un premier labour. Le seigle est la culture la plus importante que les paysans aient l’habitude de demander aux terres seigneuriales. Le froment ne se cultive guère que sur les domaines réservés des seigneurs ou des petits propriétaires. On sème l’avoine, le sarrasin, le millet sur le champ qui a produit du seigle l’année précédente; quant à celui qui a déjà fourni deux récoltes, il reste en jachère et retourne à l’indivision, en sorte que le serf n’a aucun intérêt à améliorer le champ qu’il exploite seulement pour deux années. Le chanvre se cultive dans des lieux choisis, ordinairement situés près du bord des étangs; enfin on aperçoit encore quelques carrés de lin, de pommes de terre et de cameline. Voilà toutes les plantes qui croissent en plein champ; le chou, la betterave, le maïs, le tournesol et les concombres composent à peu près toute la culture de l’agradetz ou potager d’une chaumière russe. La moisson des céréales d’hiver commence ordinairement vers le milieu de juillet; celle des avoines suit immédiatement; on se sert de la faucille pour les premiers grains, de la faux pour les seconds. Les machines à faucher ne tarderont point à prendre possession de ce pays de grande culture, où les plaines ne présentent aucune espèce d’obstacles.

S’il est un spectacle qui doive étonner un agriculteur français, c’est celui de tant d’excellentes terres du tchornoziome abandonnées à la culture du seigle. Il n’y a en France que les terres de la Limagne qui puissent rivaliser avec celles-ci, et si l’on y cultivait cette céréale au lieu de froment, on crierait à la barbarie. Cette coutume disparaîtra sans doute avec le préjugé qui retarde encore l’emploi des engrais. Il existe en France quelques contrées peu fertiles où, il y a trente ans, les habitans ne cultivaient pas le froment et ne recueil-