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au-dessus du fait à l’accomplissement duquel ils ont été assujettis, et leur éducation rappelle à cet égard, d’une manière remarquable, celle que nous parvenons à donner aux animaux.

Le caractère endémique qu’offre incontestablement dans certains cantons le crétinisme a fait étudier avec attention le climat et la constitution géologique de ces localités, afin de saisir entre le climat, la constitution du sol et les altérations organiques d’où naît le crétinisme, une liaison qui pût faire connaître la cause du mal et les moyens d’y remédier. Cette étude a suggéré sur l’origine du crétinisme des opinions diverses, mais non inconciliables. Un prélat qui réside non loin d’un pays particulièrement infecté de cette maladie terrible, M. Billiet, archevêque de Chambéry, a remarqué que le crétinisme apparaît presque exclusivement sur les terrains d’argile et de gypse. Un médecin, M. Grange, qui a entrepris divers voyages pour étudier la cause de cette affection endémique, fut frappé de voir que partout où les terrains magnésiens prédominent et où l’iode manque, le goître et le crétinisme se manifestent ; dès que cette formation géognosique vient à disparaître, et que les terrains iodés la remplacent, les deux maladies ne se présentent plus. L’opinion de M. Grange se rapproche beaucoup de celle de M. Chatin. Aux yeux de ce chimiste exercé, du moment que l’iode n’est pas contenu en proportion suffisante dans l’air, les eaux potables et les plantes, le crétinisme et le goître commencent à sévir. D’autres observateurs ont confirmé le fait signalé par M. Chatin. Un savant russe, M. Kachine, qui a observé le crétinisme et le goître sur les bords de l’Ourof, affluent de l’Argoune, dans le district de Kertchinsk, adopte l’explication du chimiste français. Quoi qu’il en soit de l’incertitude qui peut régner encore sur la véritable modification du sol et de l’atmosphère en contact avec lui, d’où résultent les deux maladies, on est déjà assuré que c’est la géologie et la chimie minérale qui nous révéleront la cause du caractère endémique du crétinisme. Les lieux exercent, on le voit, une influence considérable sur le développement du cerveau et l’évolution des organes qui concourent avec ce viscère à la vie. On a constaté en Écosse que les hautes terres (Highlands) donnent trois fois plus d’idiots que les basses. Cependant, s’il est certaines contrées, comme les vallées désolées par le crétinisme, qui dégradent leurs habitans, d’autres sont prédestinées à être peuplées par les hommes les plus intelligens et les plus beaux. Il est des cantons où l’existence ne se conserve qu’avec peine, et se débat contre des causes déprimantes et destructrices ; il en est d’autres où la vie fleurit dans tout son éclat, où notre espèce domine la nature et triomphe aisément de la maladie.

Entre les causes physico-morales, le régime et l’alimentation occupent certainement la plus grande place. Les substances solides ou